La prise en charge par des pharmaciens des « petits maux » à l'officine gagne du terrain. Mis en place à l'automne 2022 en Bretagne, le dispositif nommé Osys (orientation dans le système de soins) va s'élargir à trois nouvelles régions (Centre-Val de Loire, Corse et Occitanie), selon un arrêté publié le 22 septembre au Journal officiel.
Ce projet – mis en œuvre par l'association Pharma Système Qualité (PHSQ), à la faveur de l'article 51 sur l'innovation en santé – autorise, de façon dérogatoire, les pharmaciens d'officine à « détecter une situation à risque, à orienter rapidement le patient vers un professionnel de santé et à éviter un passage inutile à l’hôpital ».
En Bretagne, 74 pharmacies, installées dans les zones à faible densité médicale, expérimentent ce dispositif sur six situations cliniques (plaies simples, piqûres de tiques, cystites, brûlures du 1er degré, douleurs pharyngées et conjonctivites) contre 13 initialement (incluant rhinite, douleur mictionnelle, douleurs lombaires, diarrhées, vulvovaginite, céphalées, constipation).
Pas de position dogmatique mais…
Conformément au cahier des charges, l'officinal doit suivre des protocoles avec des arbres décisionnels lui permettant d'effectuer un « triage » pour orienter les patients. Trois voies sont possibles : conseil pharmaceutique avec délivrance ou non de produits hors prescription médicale obligatoire, orientation vers le généraliste – prioritairement le médecin traitant – ou vers les urgences. Selon un bilan présenté en juillet par l'association (PHSQ), les 74 officines bretonnes ont effectué 1 900 triages dont 58 % des soins prodigués directement dans les pharmacies, 40 % chez un médecin et 2 % aux urgences.
En Bretagne, l'URPS Médecins libéraux est partie prenante du projet. En Centre Val-de-Loire, le débat interne a été houleux. Interrogée par Le Quotidien, la Dr Alice Perrain, déléguée générale de MG France et vice-présidente de l'Union, refuse toute position « dogmatique » mais son syndicat est « très réservé » vis-à-vis du dispositif. « On s'interroge sur le sens de cette expérimentation », dit-elle. Quel est l'apport de ce protocole dans une organisation globale des soins ? Comment l'articuler avec les médecins sur les soins non programmés déjà mis en place ? « C'est totalement schizophrénique », déplore-t-elle.
Perte de temps et d'argent
Dans cette région médicalement déficitaire, beaucoup de praticiens se sont mobilisés pour participer aux services d'accès aux soins (SAS) dont deux sont en fonctionnement et quatre en cours de projet. « Si l'État veut que les autres professionnels s'occupent des soins non programmés, ajoute-t-elle, il faut nous le dire. Comme ça, je ferme mes créneaux et je ne fais plus de régulation au Sas ».
Par ailleurs, l'évaluation réalisée sur l'expérimentation bretonne est loin de convaincre les élus du Centre-Val de Loire. « On n'y voit pas clairement d'amélioration de l'accès aux soins. C'est beaucoup de perte de temps et d'argent », déplore la Dr Perrain. Selon l'arrêté, les trois régions choisies devront démarrer l'expérience à compter du 1er janvier 2024 pour une durée de deux ans.
Article modifié le 25/09/2023
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