Pour quelles raisons avez-vous décidé de vous lancer dans cette enquête (« Lutte contre les médecins agresseurs sexuels : l’impossible enquête ») ?
Pour une M.E.U.F. : En raison du manque d’informations sur le sujet et de la fréquence ressentie des signalements par les patientes. Aujourd’hui, face aux signalements de nos patientes, notre action était surtout de blacklister ces correspondants et de ne plus y adresser nos patients. Mais nous nous demandions s’il était possible de faire plus. On entend dire qu’on ne peut rien faire à cause de la confraternité, mais est-ce vrai ? Est-il possible de signaler ces cas ? Le but était de connaître les possibilités lorsque la patiente ne souhaite pas elle-même porter plainte ou veut rester anonyme, par exemple.
Comment avez-vous procédé ?
Pour une M.E.U.F. : Au départ, nous avons essayé de faire un recensement, un constat sur les affaires sorties dans la presse, les rapports que nous pouvions lire… Cela nous a donné l’impression que le nombre d’affaires était écrasant, et pourtant il ne s’agit que de celles qui ont été médiatisées. Ensuite, nous avons voulu voir ce qu'il était possible de faire. Nous avons donc contacté des juristes, des associations pour connaître la réalité du terrain, puis nous avons pris rendez-vous avec le Conseil départemental de l’Ordre (Cdom) et écrit au Conseil national de l’Ordre (Cnom) pour avoir la position officielle.
Que conclut votre enquête sur les possibilités qui s’offrent aux médecins ?
Pour une M.E.U.F. : Ce n’est pas du tout clair. Lors de notre entretien avec le Conseil départemental de l’Ordre (Cdom), on ne nous a pas du tout parlé du secret professionnel. Nos interlocuteurs nous ont rassurés sur le fait que la confraternité n’était pas un problème, qu’il était possible de signaler un cas. En revanche, le Conseil national de l’Ordre (Cnom), lui, nous a dit qu’il était impossible de faire un signalement auprès de lui à la place d’une patiente à cause du secret professionnel. Une dérogation au secret professionnel est possible seulement auprès d’une Crip (cellule de recueil des informations préoccupantes) pour les mineurs ou auprès du Procureur. Par ailleurs, sur la question des signalements anonymes, le Cdom a affirmé qu’évidemment, ils étaient pris en compte. Mais, dans le rapport de la Cour des comptes et sur le terrain, on voit que ce n’est pas le cas. L’affaire récente du Pr Daraï à l’hôpital Tenon l’illustre.
La confraternité est-elle un frein au signalement d’un confrère ?
Pour une M.E.U.F. : La confraternité n’est pas un obstacle au niveau réglementaire car ce n’est pas inscrit comme ça dans l’article du code de déontologie mais, en pratique, c’en est un. Premièrement parce que les médecins le pensent et ont comme culture de ne pas critiquer leurs confrères devant les patients. C’est ancré, c’est un milieu corporatiste. C’est aussi un frein parce que les plaintes pour non-confraternité existent, on l’a bien vu avec les médecins auteurs de la tribune contre l’homéopathie qui ont été attaqués. Donc c’est un vrai risque.
Aujourd’hui, l’Ordre met-il en place des actions pour agir ?
Pour une M.E.U.F. : Ils nous ont reçus, et de façade ils nous disent être préoccupés par ce sujet. Mais, dans les détails, on réalise qu’ils n’ont pas forcément envie de se pencher sur le problème. Il y a deux ans, un ajout a été fait dans le code de déontologie pour marquer l’interdiction de rapport sexuel avec les patients mais il est juste assorti de dix conseils pour se prémunir de toute « inconduite sexuelle », c’est très léger. Brossons les médecins dans le sens du poil et surtout, ne défendons pas les patientes…
Vous expliquez que la procédure de recours n’est pas forcément adaptée aux victimes de violences sexuelles. Pourquoi ?
Pour une M.E.U.F. : Il n’y a pas de différence selon le motif de la plainte au Conseil de l’Ordre, la première étape est toujours une conciliation. Même s’il n’y a pas d’obligation d’y assister, ce n’est pas du tout adapté aux violences sexuelles. Et c’est aussi en ça qu’on voit que ce problème n’est pas réellement pris en compte. On ne réfléchit pas à ce qui pourrait être mis en place pour que les victimes s’expriment et portent plainte. Dans certains cas, lorsque des personnes écrivent à l’Ordre pour une doléance, celui-ci va leur demander si elles veulent transformer la déclaration en plainte et, même si la réponse est négative, il peut s’autosaisir et la transformer en plainte. Il sait très bien le faire quand il estime le sujet assez important. Réglementairement, les Ordres ont le dispositif.
Vous concluez sur l’incapacité pour les médecins à agir et donnez plutôt les clés pour accompagner les patientes…
Pour une M.E.U.F. : Nous espérions pouvoir donner une conduite à tenir pour les médecins mais, légalement, on ne peut rien faire nominativement et, anonymement, la plupart du temps, il ne va rien se passer. Nous avons donc décidé d’indiquer de façon claire les recours pour les patientes qui souhaiteraient en faire, auprès de l’Ordre, au pénal ou au civil. Et pour celles qui ne veulent pas en faire, les clés pour savoir vers qui se tourner afin d’obtenir du soutien (des informations à retrouver dans l’enquête, sur le site pourunemeuf.org, N.D.L.R.).
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