En ce deuxième jour de congrès lillois, la Dr Geneviève Darrieussecq est ponctuelle. La néoministre de la Santé et de l’Accès aux soins a même cinq minutes d’avance sur son horaire d’intervention… en visio depuis l’avenue de Ségur, programmée à 9 heures 30. Preuve qu’elle mesure l’importance de cet oral face aux médecins ? « J’aurais aimé être avec vous mais j’enchaîne les réunions budgétaires », confie l’allergologue alors que les arbitrages financiers sur le budget de la Sécu sont en cours. Les temps sont nuageux : Bercy a annoncé un objectif de dépenses maladie 2025 (Ondam) limité à + 2,8 %, on évoque la baisse de la prise en charge par la Sécu des consultations médicales pour une économie d’un milliard (charge transférée aux complémentaires).
Mais la locataire de Ségur n’abordera pas ces sujets budgétaires. Dans la salle de l’auditorium du Palais de la Bourse de Lille, un silence poli est de rigueur chez la cinquantaine de spécialistes ayant fait le déplacement pour ces trois jours de congrès intitulé « Projetons-nous un peu ! ».
Le gastro-entérologue nantais Patrick Gasser, à la tête du syndicat Avenir Spé, salue la ministre qui déroule sur le registre de la confraternité : « Chers médecins, mais aussi chères consœurs et chers confrères… » Après des remerciements au syndicat pour avoir signé la nouvelle convention médicale cet été, Geneviève Darrieussecq, souriante, affirme que cette signature marque le début d’une nouvelle collaboration entre les médecins spécialistes et les pouvoirs publics.
Elle fait valoir que le texte conventionnel, dans un contexte contraint, consacre « des investissements financiers majeurs pour l’attractivité de la médecine spécialisée », dont l’augmentation de l’avis ponctuel de consultant (APC, qui passera en décembre à 60 euros), la revalorisation des honoraires des spécialités « au bas des échelons » de la rémunération, notamment la psychiatrie et la pédiatrie. Mention est faite aussi de l’enveloppe « provisionnée » pour la refonte et la valorisation des actes techniques dont l’atterrissage est attendu pour 2026. Pas de scoops mais la confirmation d’un soutien à la médecine spécialisée libérale.
Intégrer des spécialités au SAS
« Les spécialistes sont des acteurs indispensables de l’accès aux soins », affirme ensuite la ministre de la Santé, prenant en exemple les équipes de soins spécialisés (ESS), que la convention ancre dans le système de soins et valorise.
Le ton se fait plus spontané lorsque Geneviève Darrieussecq évoque sa volonté d’impliquer les spécialistes dans le service d’accès aux soins (SAS), cette plateforme universelle de régulation des appels urgents et non programmés. « Les gériatres, les psychiatres ou encore les pédiatres dans un premier temps », énumère la ministre. Dans la salle, l’attention grandit et davantage encore quand la locataire de Ségur insiste sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, l’un des chevaux de bataille du syndicat.
Un sujet qu’elle connaît bien également, puisqu’elle fut ministre déléguée chargée des personnes handicapées dans le gouvernement d’Élisabeth Borne. « L’accessibilité doit se faire à tous les niveaux », alors que 80 % des handicaps sont invisibles, rappelle-t-elle. Ce défi commande une collaboration étroite de tous les soignants, en ville comme à l’hôpital. « Une restructuration de notre système santé, beaucoup trop cloisonné, est nécessaire, annonce-t-elle. Cet avenir que vous imaginez aussi en conclusion de votre manifeste pour un meilleur accès aux soins, nous pourrions le construire ensemble ! ».
De fait, samedi, la centrale Avenir Spé présentera un manifeste avec une série d’engagements, dont la facilitation de l’accès aux spécialistes, la réduction des délais de rendez-vous, la création de structures de soins (pôles de spécialités) adaptées aux besoins des usagers, l’essor de l’éducation thérapeutique du patient (ETP), le bon usage du médicament, la coopération des soignants ou encore le dépistage et la prévention des populations fragiles. Deux causes seront mises en avant – le handicap et la santé mentale – avec des propositions très concrètes de prise en charge.
Elle ne s’est pas trompée de cible
Dr Catherine Tobie, présidente du Syndicat national des gériatres libéraux
À l’issue de cette intervention d’une bonne vingtaine de minutes (mais sans questions/réponses), les réactions sont partagées. « La ministre était plus à l’aise dans la deuxième partie de son discours lorsqu’elle a parlé des soignants libéraux et pas uniquement les médecins, diagnostique le cardiologue Marc Villacèque, président du Conseil national professionnel (CNP) cardiovasculaire. Cela va dans le sens de ce que nous défendons, il y va de l’avenir de notre système de santé en souffrance. »
Plus critique, son confrère, président du Syndicat national des cardiologues, le Dr Vincent Pradeau, a trouvé ce discours « policé et convenu », même s’il a apprécié le fait que la ministre ne réserve pas l’accès aux soins « aux seuls médecins de premier recours ». « Elle ne s’est pas trompée de cible, positive la Dr Catherine Tobie, présidente du Syndicat national des gériatres libéraux. La ministre est manifestement ouverte à l’échange mais elle n’a rien proposé de neuf ou de concret. » La période de disette budgétaire ne se prêtait sans doute guère aux promesses.
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