Les notions de e-réputation, avec le risque de « médecin-bashing », font-elles désormais partie intégrante du quotidien des praticiens, et comment s’en prémunir ?
Dr Thierry Houselstein : Oui, depuis trois ou quatre ans, nous avons constaté une augmentation de ces motifs de réclamation. Pour vous donner un ordre d’idée, en 2020, nous avons eu entre 300 et 350 dossiers de ce type à gérer. Et rien que sur les premiers mois de l’année 2021, nous avions déjà atteint ce chiffre-là. À chaque fois, nous avons relevé une réelle interrogation de la part de nos assurés, quelle que soit leur spécialité, sur ces mauvais commentaires sur leur fiche Google. Ce qui les choque, c’est que la médecine devienne une activité notée, cotée, comme celle du restaurant du coin ou du conducteur d’un Uber. Une garantie est prévue dans notre contrat juridique pour aider les professionnels de santé qui font face à une mauvaise réputation sur un site internet.
Qui sont les professionnels de santé les plus concernés ?
Dr T. H. : Sans surprise, ceux qui sont à l’interface entre la médecine et certains soins dits d’esthétique. Schématiquement, les chirurgiens-plasticiens, les médecins esthétiques, les dentistes sont les plus concernés par des réclamations sur une e-réputation qui n’est pas bonne. Mais nous sommes sollicités par de plus en plus de spécialités, à travers les syndicats, les associations ou les sociétés savantes, pour savoir comment communiquer sur cette nouvelle réalité qui inquiète énormément les professionnels de santé.
Les médecins généralistes ne sont pas épargnés. Concrètement, de quel recours disposent-ils ?
Dr T. H. : Les généralistes ne sont en effet pas épargnés, notamment parce qu’ils reçoivent une patientèle qui prend directement rendez-vous par internet. Je n’ai pas de médecin traitant, je vais sur Doctolib ou une autre plateforme, ce qui me permet d’obtenir un rendez-vous. Et, en sortant, si tout ne s’est pas bien passé, je dépose un avis négatif sur Google. Il s’agit rarement du fond et de la qualité de la consultation, mais plutôt du ressenti, voire du relationnel. En outre, beaucoup de médecins généralistes ne savent pas qu’ils ont une fiche Google. Il est possible de faire fermer cette fiche en saisissant directement Google, mais ensuite, si un patient tape votre nom sur ce moteur de recherche pour prendre rendez-vous, il ne vous trouvera plus. Il existe un arsenal de mesures d’intensité croissante, sachant que faire supprimer ou modifier un avis est toujours très laborieux et qu’il faut aller vite parce que le délai de réponse est de trois mois.
La notion de « cyber-risque » a aussi fait son apparition. Des cabinets de médecine générale ont-ils déjà dû faire face au piratage des données de santé ?
Dr T. H. : C’est déjà arrivé à certains cabinets mais, heureusement, cela reste encore quelque chose d’extrêmement rare.
À ce propos, le RGPD (règlement général sur la protection des données) rend-il le généraliste responsable des données de santé que lui ont confié ses patients ?
Dr T. H. : Selon le RGPD et la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), à partir du moment où vous stockez des données de santé, vous devez leur garantir un certain niveau de protection. Mais c’était aussi valable pour les données papier. Si vous êtes le médecin traitant à qui ce piratage arrive, vous ne serez pas responsable de grand-chose dès lors que vous signalez cette effraction.
Propos recueillis par François Petty
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