« C’est un changement de paradigme : jusqu’à présent, les médecins étaient financés sur l’équipement et non sur les usages. En 2023, ce qui change avec les logiciels Ségur, c’est que les médecins devront avoir de l’usage », observe Dany Huppenoire, vice-président du Collège médecins de la FEIMA. Ce qui n’est pas forcément évident.
« Établir un premier volet de synthèse médicale pour un patient donné représente un énorme boulot pour les médecins : il faut retracer les antécédents médicaux, les traitements, les allergies, les vaccinations, etc., et tenir à jour. Cela prend au moins 30 minutes par dossier patient. Quel intérêt si les urgences et les hôpitaux ne l’utilisent pas ? Il n’y a aucune valeur ajoutée pour le patient. Or, les GHT (groupements hospitaliers de territoires, ndlr) ne seront en capacité technique de le lire qu’en 2024, voire 2025, alors qu’on presse les médecins de s’équiper. C’est une énorme épine dans le pied pour le système de santé », explique ainsi Jean-Michel Lemettre, délégué départemental 37 Les Généralistes CSMF et membre de la Commission informatique de la CSMF.
Un certain manque d’intérêt. « Pour l’instant, les fonctions Ségur sont assez déceptives car elles sont très peu diffusées dans les autres branches de la santé, et de fait non utilisables. L’e-prescription est encore en “route”. Pro Santé Connect n’est pas complet, estime Benoît Florentin, directeur commercial et marketing de MédiStory. Le problème, c’est le retard de l’écosystème proposé par l’État, qui induit un manque d’intérêt. Les médecins attendent de vraies fonctionnalités médicales et du gain de temps administratif. C’est un processus qui va peut-être durer 10 ans mais qui est indispensable. »
Jean-Michel Lemettre soulève néanmoins la question des médecins en fin de carrière : « Les médecins qui ont 60 ans, sont encore souvent en exercice isolé et trouvent très difficilement un successeur – soit environ 20 % des médecins – ont-ils intérêt à changer de logiciel dans les deux ans qui viennent ? Le changement de logiciel va-t-il leur permettre de mieux soigner les patients ? Certes, le forfait structure doit financer l’équipement informatique et représente une certaine somme, mais certains médecins préféreront s’en passer. Le numérique doit être une aide et pas une contrainte ou une charge ».
Mais la plupart des éditeurs sont optimistes. « Avec les logiciels Ségur, les médecins libéraux et des établissements de santé vont disposer des mêmes référentiels et avoir une même logique pour leurs patients à moyenne échéance. Ils vont pouvoir alimenter les DMP de façon sécurisée. Dans le même temps, les patients s’approprient Mon espace santé. Le Ségur va ainsi permettre de rattraper notre retard en France en matière d’échange de données », commente Sophie Feuillin, directrice des filiales chez Softway Medical.
Magali Clausener
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