L'année 2023 commença sous de mauvais auspices pour la médecine de ville. Alors que les négociations conventionnelles se compliquent déjà, la profession – qui réclame son « Ségur libéral » – est douchée par les vœux d'Emmanuel Macron. Dans un discours jugé très hospitalo-centré par les praticiens libéraux, le président de la République insiste surtout sur les « droits et devoirs » et renvoie la balle aux discussions avec l'Assurance-maladie.
Cette stratégie « donnant-donnant » est mise en application par le directeur de la Caisse nationale de l'assurance-maladie (Cnam). Concrètement, Thomas Fatôme propose de conditionner les revalorisations principales – dont le tarif de la consultation de base des généralistes à 30 euros – à la signature d’un contrat d’engagement territorial (CET) assorti d'engagements divers. Tollé des syndicats, qui crient au « mépris » et refusent de signer un compromis sur ces bases.
Dans ce climat électrique, la profession voit surgir la proposition de loi de la députée de la majorité Stéphanie Rist qui ouvre les accès directs à plusieurs professions paramédicales (kinés, infirmiers, IPA). Certains syndicats dénoncent une dérégulation du parcours de soins et une remise en cause du médecin traitant. Cerise sur le gâteau, le texte « épouvantail » sur l'accès aux soins du député Horizons Frédéric Valletoux affiche une volonté d'encadrement en matière d'organisation territoriale, de permanence des soins, voire d'installation (lire encadré). Autant de chiffons rouges…
Fronde tarifaire et arrêt d'activité
Fin avril, après l'échec des négociations, le règlement arbitral – rédigé par Annick Morel pour se substituer provisoirement à la convention – n'apaise pas les esprits, au contraire. Ce texte a minima acte l'augmentation inconditionnelle de 1,50 euro de l'ensemble des consultations médicales, une mesure jugée « humiliante » dans un contexte d'inflation, de hausse des charges et de baisse générale des revenus médicaux.
Sur le terrain, des collectifs de généralistes libéraux engagent dès l'été un bras de fer avec les autorités en augmentant d'autorité leur tarif à 30 euros, une guérilla tarifaire relayée par certains syndicats. Après avoir fermé les yeux sur ces dépassements répétés, la Cnam commence à sévir. Au même moment, elle lance une campagne de contrôle renforcé des arrêts de travail auprès des généralistes les plus gros prescripteurs pour endiguer les dépenses d'IJ.
C'est dans ce climat toujours tendu que les six syndicats représentatifs lancent une grève « illimitée » à compter du 13 octobre. Tous réclament la réécriture de la proposition de loi Valletoux et la reprise des négociations avec une nouvelle feuille de route et des moyens à la hauteur de la crise. La consultation à 30 euros (au minimum) s'impose comme un prérequis mais les spécialités cliniques et techniques avancent aussi leurs revendications. C'est un véritable plan d'attractivité de la médecine libérale qui est réclamé, dans un contexte de démographie médicale en souffrance.
La pertinence des soins, enjeu prioritaire
En juillet, Thomas Fatôme change de cap et promet une nouvelle donne, reconnaissant que le malaise de la profession a été sous-estimé et que le C à 26,50 euros n'est qu'une étape. Avec la nomination d'Aurélien Rousseau à Ségur se profile une feuille de route simplifiée et moins clivante. Le nouveau ministre renonce au contrat d'engagement territorial honni et promet un nouveau round de négos sans délai. Trois jours après la mobilisation unitaire du 13 octobre, sa lettre de cadrage politique affiche la priorité de restaurer l'attractivité de la médecine libérale et cible les efforts des médecins sur la pertinence et la qualité des soins.
Mi-novembre, les négociations s'ouvrent dans une atmosphère plus apaisée et plus transparente, de l'avis général. Pas moins de seize réunions sont programmées jusqu'au 25 janvier – dont une douzaine de groupes techniques et thématiques – sans date butoir. Mais Aurélien Rousseau comme Thomas Fatôme prédisent toujours une « négociation difficile » car le contexte budgétaire reste contraint. « Soit il y aura un accord sur la totalité des axes de travail, prévient le DG, soit il n’y aura pas d’accord du tout. »
La proposition de loi (PPL) sur l'accès aux soins « par l'engagement territorial » portée par le député (Horizons) Frédéric Valletoux, ex-patron de la Fédération hospitalière de France (FHF), aura crispé le corps médical toute l'année. Dès février, les mesures visant à encadrer l'installation ou l'organisation territoriale provoquent un tollé chez les libéraux. À la veille de son examen en juin, les syndicats accentuent la pression sur le gouvernement, en annonçant une grève « illimitée » si cette loi « mortifère » était adoptée. En tête des « irritants », le rattachement systématique des soignants aux CPTS, la participation accrue des cliniques aux gardes et d'éventuelles mesures de régulation à l'installation.
Attentif aux griefs des praticiens libéraux, le Sénat fait le ménage en octobre en déminant la réforme de la permanence des soins en établissement et en écartant l'adhésion automatique aux CPTS. Exit aussi tous les amendements de régulation… Le 7 décembre, la commission mixte paritaire (députés/sénateurs) s'aligne sur ce détricotage et trouve un compromis « raisonnable » qui évite de crisper « inutilement » les médecins…
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