Ce mercredi matin encore, juste avant de recevoir la version finale du texte conventionnel (ici) et ses annexes (là), chacun des deux syndicats majoritaires monocatégoriels – MG France pour les généralistes et Avenir Spé-Le Bloc pour les spécialistes – campait sur ses positions, avec la volonté de ne pas céder sur les modalités de cotation de l’avis d’expertise du médecin spécialiste ou APC. L’objet du litige en forme de bras de fer? Les conditions de facturation de l’avis ponctuel de consultant des spécialistes (APC) que l’Assurance-maladie a décidé de revaloriser à 60 euros, soit le double de la consultation de référence de médecine générale (30 euros).
Ouvrir les vannes ?
En résumé, Avenir Spé réclamait que les médecins spécialistes puissent appliquer l’APC sans obligation de passer nécessairement par la case médecin généraliste traitant, autrement dit par exemple lorsqu’un spécialiste sollicite directement un confrère pour cet avis d’expert. Une hypothèse mise sur la table par la Cnam à l’issue du marathon de négociations de 48 heures, en fin de semaine dernière. Interrogé par Le Quotidien sur ce sujet de forte crispation, le DG de la Cnam avait semblé gêné aux entournures. « Nous sommes en soutien des médecins généralistes traitants et d’un parcours organisé entre les médecins traitants et les spécialistes de second recours. Notre objectif est d’aboutir à un dispositif opérationnel qui ne dépossède pas le rôle du médecin traitant mais qui soit simple et efficace pour le patient et permette de s’appuyer sur l’expertise des spécialistes », avait-il avancé sans trancher.
Mais la riposte de MG France, lundi 21 mai, a été claire et virulente : pas question « d’ouvrir les vannes » de la consultation d’expertise des spécialistes à 60 euros ! En clair, impossible pour le syndicat de généralistes, majoritaire, de tolérer un « tel retour en arrière » qui reviendrait à rémunérer à 30 euros la consultation de référence de médecine générale et « 60 € toutes les autres spécialités », s’offusquait le syndicat présidé par la Dr Agnès Giannotti, furieux de cette inégalité doublée d’un coup de canif au parcours de soins. « MG France refuse cette attaque délibérée, et préparée de longue date dans certaines officines, contre le parcours de soins coordonné par le médecin traitant. L'impact économique de cette dérégulation conduirait très rapidement à une explosion des coûts de la santé, sans améliorer en aucune façon la santé des patients », expliquait alors le syndicat, prévenant qu’il « s’opposerait de toutes ses forces à cette mesure catastrophique pour la santé publique ».
Chez Avenir Spé, mercredi matin, le ton était toujours à la fermeté. « Si nous n’avons d’autre choix pour coter l’APC que de passer obligatoirement par le médecin traitant, cette convention, ce sera niet », s’agaçait le Dr Patrick Gasser, coprésident du syndicat. Lui demande-t-on s’il comprend la crainte d’un risque de dérapage dans l’adressage des patients entre spécialités et hors parcours de soins ? « Ce qu’on appelle le compérage ? répond du tac au tac le gastro-entérologue nantais. Une telle insinuation est une insulte à la médecine spécialisée ».
Un élargissement limité qui ménage les uns et les autres ?
Comment sortir de l’impasse ? En milieu de journée, l’Assurance-maladie a repris l’initiative avec l’envoi d’une nouvelle version finale de texte conventionnel, qui tente de ménager la chèvre et le chou sur l’APC, du moins de trouver une forme de compromis. « Une évolution est retenue par rapport à la situation actuelle (facturation de l’APC par le médecin correspondant lorsqu’il est sollicité par le médecin traitant pour un avis ponctuel) : l’élargissement de l’APC à la prise en charge du patient n’ayant pas de médecin traitant lorsqu’il est hospitalisé », souligne la Cnam. Ce qu’on retrouve noir sur blanc à l’article 19-2 du texte exact de la nouvelle convention sur la demande d’avis ponctuel : « Dans le cadre de l’hospitalisation et lorsqu’un patient n’a pas de médecin traitant, le médecin spécialiste peut facturer un avis expertal dans les mêmes conditions qu’un médecin correspondant, selon des modalités définies dans la liste des actes et prestations ».
Et pour déminer encore, la Cnam précise que les réflexions autour de l’utilisation de l’APC se poursuivront dans le cadre d’un groupe de travail « qui pourra proposer des évolutions à horizon mi-2025 ». Une façon de renvoyer à plus tard ce sujet si conflictuel entre généralistes et spécialistes.
Live chat de la Cnam mercredi soir
À la lecture de cette toute dernière mouture du projet de convention, « les lignes rouges ne sont plus aussi écarlates qu’elles l’étaient il y a quelques jours », temporise la Dr Agnès Giannotti, jointe par Le Quotidien en fin d’après-midi. Le comité directeur de MG France, demain soir, s’annonce toutefois animé.
Du côté d’Avenir Spé, le discours restait prudent. « J’ai perdu l’arbitrage sur l’APC… mais nous avons obtenu gain de cause sur plusieurs sujets comme l’enveloppe de la CCAM technique qui atteint 410 millions d’euros », positive le Dr Patrick Gasser, pas certain d’avoir la réponse de ses troupes sur le projet conventionnel d’ici au 29 mai.
De son côté, le DG de la Cnam devait s’adresser directement aux médecins dans un live chat, ce mercredi soir, à partir de 19 heures… Nul doute que la cotation de l’APC sera à l’ordre du jour.
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