Déconventionnement : 50 médecins corses prennent le maquis

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Publié le 03/05/2024
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Ce samedi 4 mai, 50 médecins libéraux de l’île de Beauté mettent leur menace à exécution et postent, ensemble, leur lettre de demande de sortie du système conventionnel.

Crédit photo : imageBROKER.com/SIPA

Ce samedi 4 mai, la rupture sera consommée entre l’Assurance-maladie et 50 praticiens (dont quatre spécialistes) de l’île de Beauté, tous membres du collectif des médecins libéraux corses ML Corsica. À 10 heures, 33 praticiens du grand Bastia se rendront à la poste centrale pour y déposer leur lettre de demande de déconventionnement, avec accusé de réception. À la même heure, dans la partie sud de l’île cette fois, 17 de leurs confrères réaliseront la même opération à Porto-Vecchio. Ce qui représente, pour Bastia, près de 50 % de l’effectif des généralistes qui y exercent. Un ratio qui grimpe carrément à 61 % pour la région de Porto-Vecchio, estime ML Corsica. Et à compter de la date du 1er octobre, ce sera officiel, ces 50 médecins pratiqueront des consultations à honoraires libres (secteur 3) qui ne seront donc (presque) plus remboursées pour leurs patients.

Reconnaître la spécificité « île montagne »

« Nous ne menons pas cette action de gaîté de cœur, mais puisque la convention médicale ne reconnaît pas la Corse, alors les médecins libéraux corses ne reconnaissent plus la convention ! », résume le Dr Cyrille Brunel, 49 ans, depuis son cabinet de Furiani. Le porte-parole du collectif, installé comme médecin du sport, estime pourtant qu’une telle situation aurait pu être évitée, si la Cnam avait accepté d’intégrer la spécificité « île montagne » de la Corse au sein de la convention. Concrètement, les médecins demandent l’utilisation trimestrielle de la visite longue, la possibilité de cumuler à taux plein un acte clinique avec un acte technique (dans la limite de deux actes au maximum) ou encore deux actes techniques. Ainsi que la possibilité d’appliquer des majorations locales pour les consultations complexes et très complexes ou l’ouverture d’un accès au secteur 2 pour tous.

Tour de chauffe en mars

Faute d’avoir obtenu satisfaction, les 300 membres du ML Corsica ont tenu en mars un séminaire sur les modalités et les conséquences de la procédure de déconventionnement. Une centaine de praticiens avaient alors fait le déplacement pour ce tour de chauffe. Cinquante d’entre eux ont donc, depuis, pris leur décision et officialiseront ce samedi leur demande de sortie du système conventionnel.

Sans revirement possible en cas de gages de la Cnam ? Cette dernière vient d’annoncer ce vendredi une « séance de clôture » des négociations le 16 mai, en vue d’un « texte définitif » dans les 48 heures. Et dans son courrier adressé aux syndicats, le DG de la caisse y déclare rester « attentif aux situations spécifiques des territoires ultramarins et de la Corse sur lesquelles la convention devra apporter des réponses efficaces ». « Il faut voir dans notre action une grève de la convention. C’est tout sauf un simple coup de semonce, mais en programmant notre sortie du système conventionnel au 1er octobre, nous laissons six mois aux pouvoirs publics pour revoir leur copie », résume l’enfant du pays, le Dr Stephan Tafani, généraliste de 48 ans installé à Porto-Vecchio et membre du collectif.

Bricolage de la Cnam

Pour autant, le Dr Cyrille Brunel reste dubitatif « L’Assurance-maladie inscrira probablement le terme de « l’île montagne » dans les documents de négociations, histoire de, mais sans que cela ne soit suivi d’effet », prédit le praticien. Pire, selon lui, il se murmure que pour résoudre les difficultés d’accès aux soins, la Cnam envisagerait de faire venir des médecins depuis le continent « billet d’avion et hôtel compris », pour exercer de temps en temps en Corse. « Ce n’est pas un projet à long terme. C’est du bricolage et une insulte pour nous », fulmine le Dr Brunel. Qui conclut, incrédule : « On ne valorise pas les 600 médecins libéraux qui exercent en Corse dans un système dégradé, mais on serait prêt à dépenser de l’argent pour contourner les difficultés d’accès aux soins plutôt que de créer les conditions d’attractivité pour que des praticiens viennent s’installer durablement sur l’île… ».


Source : lequotidiendumedecin.fr