Élue présidente de la FMF dans des conditions contestées, la généraliste Patricia Lefébure appelle les médecins à l'utilisation large du « DE »

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Publié le 26/06/2023
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Crédit photo : DR

Le conseil d'administration de la Fédération des médecins de France (FMF) a élu dimanche 25 juin un nouveau bureau pour trois ans, qui a porté à sa présidence la Dr Patricia Lefébure, 60 ans. Cette médecin généraliste secteur I à Limay (Yvelines), adhérente à la FMF depuis 2002, a été élue avec 19 voix sur 23, face à la Dr Corinne Le Sauder, présidente sortante. Cette dernière conteste ce lundi la légalité du vote pour non-respect des statuts en vigueur et compte porter cette affaire devant la justice.

LE QUOTIDIEN : Vous venez d'être élue à la tête de la FMF mais votre concurrente, la Dr Corinne Le Sauder, présidente sortante, annonce une suite juridique. Y a-t-il un putsch à la FMF ?

Dr PATRICIA LEFEBURE : Je regrette profondément ce litige interne mais ce n'était pas du tout un coup d'État ! On devait procéder à ce vote pour éviter la carence de la direction, le mandat précédent arrivant à échéance le 28 juin. Et ce d'autant plus qu'aucune date n'avait été fixée pour réunir le conseil d'administration électif…

Selon les statuts, c'est le bureau qui convoque le CA. Si le bureau refuse, le conseil d'administration peut s'autosaisir à condition de réunir au moins les deux tiers de ses membres pour élire un nouveau bureau. Ce fut le cas avec la présence de 23 membres sur 32. Seuls quatre ont voté contre, j'ai donc été élue avec 19 voix.

À peine élue, vous appelez les médecins à utiliser largement le DE (dépassement pour exigence particulière du patient) pour atteindre la consultation à 30 euros. Est le rôle d'un syndicat d'inciter à la guérilla tarifaire ?

J'étais déjà très active au sein des coordinations de 2002. À l’époque, notre combat portait déjà sur une revalorisation tarifaire à 20 euros. Aujourd'hui, la bataille reprend. Avec les charges qui augmentent, les médecins ne peuvent pas continuer à exercer avec une consultation à 25 euros, voire à 26,50 euros. Certes, nous pouvons nous déconventionner mais cela a des conséquences lourdes pour les patients qui ne seront plus remboursés. C'est pourquoi notre seul moyen est d'augmenter nos tarifs. Si nous avions suivi l'inflation, la consultation serait déjà au minimum à 29 voire 30 euros. Sur le terrain, certains confrères facturent déjà 30 euros, en fonction des horaires. De 9 heures à 17 heures, c'est 25 euros et en dehors c'est une exigence particulière du patient.

En ce qui me concerne, si la consultation dépasse 10 minutes, le patient polypathologique, avec par exemple des demandes supplémentaires, devra reprendre un rendez-vous. S'il refuse de revenir, je facture le dépassement qui sera remboursé par la complémentaire santé. La FMF appelle et soutiendra tous les médecins qui factureront le « DE » pour pouvoir exercer sereinement et payer leurs charges. C'est une mesure radicale pour éviter aux médecins de faire de l'abattage, de se déconventionner ou de déplaquer.

Iriez-vous jusqu'au déconventionnement collectif, un mouvement relayé par l'UFML-S ?

C'est une solution que je peux envisager personnellement. Sur mon secteur, trois médecins l'ont déjà fait. Mais au niveau de la FMF, ce sujet n'est pas encore vraiment débattu. Je compte le mettre sur la table très prochainement.

Vous appelez à une reprise des négociations conventionnelles sur de nouvelles bases pour valoriser l’exercice libéral. Quelles sont vos priorités ?

Il y en a deux principalement. D'abord, je l'ai dit, la revendication tarifaire : aucun acte ne doit plus être honoré en dessous de 30 euros (35 euros pour les DROM), c'est la base de la future négociation. Et l'acte doit rester majoritaire dans la rémunération des médecins libéraux.

Ensuite, au lieu de nous imposer des délégations de compétences dangereuses pour les soignants comme pour les patients, nous voulons organiser des soins collaboratifs intelligents. Cela signifie par exemple de favoriser les infirmières Asalée rémunérées pour l'éducation thérapeutique ou encore de soutenir les coopérations au sein des CPTS pour la prise en charge des soins non programmés. En revanche, nous nous opposons fortement à la loi Rist qui a introduit un accès direct aux IPA.

Au-delà, dans le contexte particulièrement difficile pour la médecine libérale, la FMF défendra les valeurs historiques du syndicat : l'indépendance de l'exercice médical avec des honoraires décents pour mieux nous réorganiser afin d'embaucher et recevoir davantage de patients sans médecin traitant. Il y a un changement à la tête de la FMF, mais ses idées et ses combats demeurent. 

Nouveau bureau de la FMF. Présidente : Dr Patricia Lefébure, généraliste. Trésorier : Dr Richard Talbot, généraliste. Trésorière adjointe : Dr Anne Criquet-Hayot, généraliste. Secrétaires généraux : Dr Bassam Al Nasser (anesthésiste), Alain Ekeuh (chirurgien) et Djilali Saïche (généraliste) 

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : lequotidiendumedecin.fr