LE QUOTIDIEN : Le 1er avril a marqué l’entrée en vigueur du doublement des franchises médicales. Un mauvais poisson pour France Assos Santé ?
GÉRARD RAYMOND : C’est la confirmation de la double peine pour les personnes qui ont besoin de prendre des médicaments pour survivre. C’est la culpabilisation de ces Français qui prendraient trop de médicaments et seraient inobservants. Ils ne méritent pas ces critiques. Cela étant dit, nous sommes des gens responsables. Nous avons bien conscience d’être dans une période de tension économique et de reconstruction du système de santé qui nécessitent des transformations profondes et systémiques, avec une vision qui doit être plus efficiente.
Les économies visées par Bercy avec le doublement des franchises et participations forfaitaires sont de 800 millions d’euros, soit environ le montant estimé de la revalorisation de la consultation de médecine générale à 30 euros. Que vous inspire ce parallèle ?
Que ce sont finalement nous, les patients malades, qui allons financer l’augmentation du tarif des actes médicaux. C’est un chèque en blanc pour Bercy et l’Assurance-maladie. Au risque de déplaire, nous considérons, à France Assos Santé, que ce type de négociations conventionnelles, qui reposent toujours sur le paiement à l’acte, sont l’illustration d’un système complètement dépassé.
Je comprends parfaitement que les médecins considèrent que leur tarif actuel n’est pas assez élevé. Leur revendication d’une consultation à 30 euros est légitime, même s’ils oublient de dire que l’acte n’est pas leur unique source de revenus. Ils ont la Rosp (rémunération sur objectifs de santé publique), le forfait médecin traitant, des aides à l’équipement… et l’Assurance-maladie prend en charge une partie de leurs cotisations en secteur I. De surcroît, pour nous patients, ce passage à 30 euros ne va pas augmenter la qualité, le temps de la consultation ou permettre un meilleur accès à un médecin traitant. Encore une fois, cette revalorisation à 30 euros est un emplâtre sur un système moribond, sur lequel il faudrait avoir le courage de se pencher pour le transformer.
Vers quel modèle ?
Le président de la République l’a dit. Il vaudrait mieux rémunérer les médecins au patient plutôt qu’à l’acte. Pas pour tout, mais pour le premier recours et le suivi des pathologies chroniques des personnes malades, il y aurait peut-être, sinon un forfait, du moins une enveloppe globale pour rémunérer une équipe de suivi et l’utilisation de moyens modernes de plateformes et de télésurveillance qui permettent le suivi à distance.
La médecine solitaire est terminée, il faut passer à une médecine solidaire qui repose sur une équipe de soins et de santé, sur un territoire, et qui assure des missions de santé publique pour faire de la prévention et de l’éducation à la santé. La rémunération cloisonnée, à l’acte, des professionnels de santé n’est plus à la hauteur des attentes.
L’Assurance-maladie a introduit une dose de capitation volontaire parmi ses propositions. Est-ce le signe que les lignes bougent ?
Les mentalités sont en train d’évoluer. Je trouve que les médecins libéraux l’ont bien compris. En disant cela au Quotidien du médecin, aujourd’hui, je pense que je n’aurai pas de lettres d’insultes comme j’ai pu en recevoir il y a encore quelques années ! En revanche, ce qu’on peut regretter, c’est que ce sont les pouvoirs publics qui n’ont pas de direction claire. D’un côté Bercy parle d’économies… De l’autre, la Cnam veut aller vers plus de forfaitisation mais ne sait pas très bien comment. Il faudrait une volonté politique beaucoup plus forte pour accompagner cette refonte systémique du système de santé.
Comment avez-vous perçu les propos du ministre de l’Économie sur une éventuelle remise en cause de la prise en charge des ALD, même si Bruno Le Maire a fait marche arrière depuis ?
Avec ces annonces intempestives… du faux ministre de la Santé de Bercy, on voit bien que Bercy, qui n’a que le volet économique en tête, n’a rien compris à ce que doit être notre système de santé. Si les citoyens sont malades, c’est peut-être parce que notre système de prévention et d’éducation à la santé et de suivi n’est pas bien fait. Ce qu’il faut, dans le cadre d’un budget contraint, ce n’est pas faire des économies mais surtout essayer de rendre plus efficient la dépense. Et sur cette question des ALD, je trouve que la réaction des médecins, qui s’y sont opposés de façon quasi unanime, a été vraiment à la hauteur de l’enjeu.
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