L’Assurance-maladie assure avoir reçu « plus de 1 000 questions » lors du « live chat » autour du projet de convention médicale, mercredi 22 mai en fin de journée, présenté comme un grand « décryptage » de mesures parfois techniques mais qui se voulait aussi une opération de communication bien huilée en direction des syndicats – et de leurs troupes – invités à se prononcer sur le texte final et ses annexes.
Pédagogues sur les volets techniques, détendus dans la forme mais parfois graves sur les enjeux et la séquence qui se joue maintenant, le DG de la Cnam, Thomas Fatôme, et sa directrice déléguée, Marguerite Cazeneuve, se sont efforcés, au fil des questions des médecins, à défendre le projet final de convention médicale qualifié « d’historique » (1,6 milliard d’euros d’investissement pour l’Assurance-maladie). Ils ont aussi placé les syndicats médicaux devant leurs responsabilités, en expliquant que le train ne repasserait pas. Retour sur les moments phares d’un exercice délicat (à retrouver en intégralité ci-dessous).
Le G à 30 euros seulement en décembre ? Parce que c’est la loi…
Interrogé sur le calendrier lointain des augmentations d’honoraires, Thomas Fatôme a rappelé la règle « posée par la loi » des stabilisateurs automatiques de six mois, qui impose ce délai décrié entre la publication de la convention et l’entrée en vigueur effective de toute revalorisation. Dès lors, si la convention est signée fin mai, la hausse de la consultation (ou de l’APC) interviendra à la fin de l’année. « C’est pourquoi j’ai proposé aux syndicats d’accélérer, une séance de signature est proposée dès mercredi prochain », a-t-il avancé. « C’est maintenant qu’il faut signer, c’est maintenant que ça se passe », a-t-il glissé, rappelant le grand nombre de séances de négos, y compris le soir et le week-end.
Ouvrir le secteur 2 à tous, très mauvaise idée !
« Attaché » aux tarifs opposables et au secteur 1, le DG assume de ne pas ouvrir de nouveaux espaces de liberté tarifaire. Un secteur 2 généralisé « accroîtrait les inégalités », martèle Thomas Fatôme. Sa stratégie est de revaloriser les tarifs opposables mais aussi de rendre plus attractive l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) avec les modificateurs associés pour y attirer davantage de praticiens de secteur 2. « On mise sur le secteur 1 et l’Optam et on y concentre nos revalorisations », résume-t-il. Quant aux praticiens de secteur 2, « allez regarder comment marche l’Optam », conseille le DG.
L’Optam incompréhensible ?
Lors du live, un médecin a jugé « incompréhensible » l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam). Le DG admet qu’il y a beaucoup de paramètres qui caractérisent le calcul de ce contrat : taux de dépassement moyen, part d’activité à tarifs opposables, partage des gains… « Si la convention est signée, on va se mettre en mouvement sur l’Optam », assure Thomas Fatôme qui promet mises à jour, simulateurs, vidéos et accompagnement.
CCAM : 13 000 actes à refondre en 2026 mais du nouveau tout de suite
La refonte complète de la CCAM technique (révision, hiérarchisation des actes) interviendra en 2026 et la Cnam provisionne déjà 240 millions pour le futur avenant en ce sens. Mais sans attendre, la Cnam revalorise le point travail dès le premier semestre 2025 et augmente parallèlement les modificateurs (K et T) pour les praticiens concernés. « C’est un paquet important de mesures, sans oublier les nouvelles possibilités de cumul », plaide Marguerite Cazeneuve. Un effort ciblé est aussi programmé pour les anesthésistes de secteur I qui n’ont pas les titres pour être éligibles à l’Optam (avec un nouveau modificateur).
Premières consultations longues à 60 euros : une étape, pas la fin de l’histoire
Pour les patients âgés de plus de 80 ans, les généralistes traitants auront accès pour la première fois à cette consultation longue (GL) à 60 euros « pour l’instant » seulement une fois par an par patient dans trois motifs : sortie d’hospitalisation, déprescription pour les patients polymédiqués et orientation dans un parcours médico-social (dossier APA). Mais, anticipe Marguerite Cazeneuve, « ce n’est pas la fin de l’histoire ». « On finira sans doute par avoir quatre consultations longues par an mais on ne peut pas tout faire dans cette convention », explique la DG déléguée qui assume avoir priorisé la revalorisation du forfait médecin traitant pour le suivi des patients lourds et complexes.
Big bang forfaitaire : pas d’embrouille, une clause de sauvegarde
La question taraude de nombreux médecins : avec la fin de la Rosp et du forfait structure refondus dans un forfait médecin traitant unifié par patient, y aura-t-il des perdants in fine ? La Cnam jure qu’il n’y aura pas de médecins lésés dans le transfert grâce au juste calibrage des indicateurs… Mais parce qu’on n’est jamais sûr de rien, la Cnam a introduit in extremis une clause de sauvegarde qui garantit que l’enveloppe forfaitaire globale ne pourra pas diminuer. Une protection réclamée par les syndicats.
Le paquet sur l’installation des jeunes médecins
Les numéros 1 et 2 de la Cnam le martèlent, les mesures pour l’installation seront plus lisibles et efficaces : deux aides forfaitaires automatiques – 10 000 euros pour une installation en Zip (zone d’intervention prioritaire), 5 000 euros en Zac – et surtout « un coup de boost automatique » pour le forfait médecin traitant les premières années (+50 % la première année puis 30 % et 10 %) à la place des contrats démographiques qui ont montré leurs limites avec très peu de médecins. « On veut donner envie aux jeunes médecins de s’installer en libéral », insiste Thomas Fatôme.
Obliger les complémentaires à financer, pas si simple
L’engagement financier des organismes complémentaires fait l’objet d’inquiétudes récurrentes du côté des spécialistes, qui voudraient en savoir plus sur la solvabilisation des dépassements d’honoraires. Mais sur ce point, « toutes les règles ne sont pas conventionnelles, c’est le décret sur les contrats responsables qui fixe le cahier des charges », recadre Thomas Fatôme, qui admet toutefois qu’il faudra réexaminer les couvertures respectives du régime obligatoire et des complémentaires lors de la mise en place de la nouvelle CCAM technique en 2026.
Et si les syndicats ne signent pas ?
Ce n’est pas le scénario envisagé mais la réponse du patron de la Cnam fuse. En cas d’impasse, « il n’y aura pas de convention, on restera sous l’empire du règlement arbitral jusqu’en 2028 ». Ce qui signifie qu’il n’y aurait ni revalorisation, ni avenant tarifaire sur la CCAM technique. « On est coincés, chacun doit donc mesurer entre un accord sur la table et pas d’accord du tout », met-il en garde.
Les généralistes moins bien traités que leurs confrères européens ?
Contrairement aux discours syndicaux, le DG assure que les revenus des généralistes français sont dans « la moyenne européenne, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas des écarts entre pays », si l’on analyse globalement la part forfaitaire et la rémunération à l’acte. Il renvoie aux études de l’OCDE sur ces comparatifs.
Et si les objectifs collectifs ne sont pas atteints ?
Là encore, pas question de rétablir des engagements individuels et opposables, conditionnant l’accès à des revalorisations. Pour autant, il y aura bien un suivi partagé des objectifs collectifs sur l’accès aux soins et la pertinence des soins. « On n’est pas bon sur les antibiotiques, il faut rattraper la moyenne européenne », illustre Marguerite Cazeneuve, qui évoque aussi la nécessaire montée en charge des usages numériques sécurisés (arrêts de travail, ordonnances digitales, etc.). Un observatoire conventionnel sera instauré sur les objectifs d’accès aux soins (patients en ALD sans médecin traitant, patientèle moyenne MT, nombre de contrats d’assistants médicaux, etc.), un autre sur les objectifs de pertinence et de qualité des soins.
La convention, « pas un simple bout de papier »
Pourquoi avoir introduit dans la nouvelle convention un délai minimum de deux ans pour qu’un médecin qui a décidé de se déconventionner puisse se reconventionner ? Parce que ce contrat entre la profession et la société « n’est pas qu’un bout de papier, cadre Thomas Fatôme. On ne peut pas s’en défaire sans contrainte puis revenir dans trois mois, ce sont des sujets importants. Chacun doit prendre ses responsabilités. »
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