Injecter de l’acide hyaluronique dans le haut de l’estomac, pour lutter contre l’obésité de ses patients… Tel était le geste qu’a pratiqué sur 555 patients pendant cinq ans le Dr Olivier Marçais, 63 ans aujourd’hui et toujours en exercice, dans une clinique de Nîmes (Gard), hors de tout cadre réglementaire et légal.
Poursuivi vendredi 20 décembre devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour des faits d’escroquerie, ce gastroentérologue est attaqué par la CPAM mais aussi par 29 patients, dont certains étaient présents à l’audience.
Entre 2011 et 2016, le Dr Marçais aurait ainsi facturé à l’Assurance-maladie des dizaines d’endoscopie sous anesthésie générale alors même que l’intention première de son geste était l’injection d’acide hyaluronique dans un cadre thérapeutique non reconnu en l’état des connaissances de la science. En l’espèce, les patients devaient eux-mêmes aller acheter de l’acide hyaluronique dans une pharmacie de ville sans que son usage, ni le cadre de cet usage ne soient mentionné, post-op, au dossier médical.
À la barre, le Dr Marçais justifie l’endoscopie comme étant un examen naturel contre l’obésité. L’injection d’acide hyaluronique au cours de ce même examen ? Le médecin évoque les études menées, à l’époque, par une équipe médicale lyonnaise sur cette technique médicale… Des études dans lesquelles il souhaitait manifestement s’inscrire alors que ce n’était pas le cas dans les faits. À ce titre, il disait même à certains patients qu’ils entraient dans un protocole de recherche. Ce qui n’était pas vrai.
« Au cours des examens, je réalisais cette injection d’une substance naturelle fabriquée et dégradée naturellement par le corps humain. Le produit se résorbe. Des publications ont été réalisées en 2008. Je parlais de cette technique innovante… Cela prenait 5 minutes. Cela a fonctionné. Il n’y a eu aucun dommage », explique le médecin au tribunal, se défendant de tout dépassement d’honoraire et d’enrichissement lié à ces actes puisqu’il exerce en secteur 1.
Hors protocole de recherche
« Je reproche la tromperie, explique au tribunal une patiente, anciennement en situation d’obésité, passé deux fois sur le billard. On donne sa confiance à un médecin. Je n’ai en fait pas pu donner un consentement éclairé et réel en toute connaissance de cause. Le Dr Marçais m’a présenté les choses comme une technique établie. On était en confiance. » Après la deuxième injection, cette patiente a été prise de violents vomissements pendant près d’un an. Elle a depuis subi une ablation de l’estomac. Une opération dont le lien de causalité avec les gestes du Dr Marçais n’est pas établi puisque cette patiente n’a pas demandé d’expertises.
Vous êtes à l’acide hyaluronique ce que l’hydroxychloroquine est au Professeur Raoult
Me Christian Barnouin, défenseur de la CPAM
« Je ne fais pas partie du protocole de recherches […], c’est vrai, a, en substance, plaidé le médecin qui, dans sa présentation, s’est fait fort de rester droit dans ses bottes. Mais les qualités de l’acide hyaluronique sont connues. Et j’ai le droit de l’utiliser en cas d’absence d’alternative. Contrairement à ce que m’a reproché l’ARS, je n’ai pas fait courir de risque inconsidéré aux patients puisque ceux-ci souffrent de cette maladie mortelle qu’est l’obésité. Il n’y a jamais eu aucun incident recensé, ni effet secondaire […]. En mon âme et conscience, avec une obligation de moyen, j’ai pratiqué ces endoscopies », s’est-il défendu.
Obsession particulière
« Nous avons ici un cas singulier, a plaidé Me Christian Barnouin du cabinet Eleom Avocats, défenseur de la CPAM. Ce médecin qui a l’air brillant semble vouloir imposer un traitement… Alors que douze ans après, personne n’utilise ce traitement que vous seul jugez efficace. Vous êtes manifestement brillant et compétent mais sur ce traitement, vous semblez nourrir une obsession. Je suis désolé de le dire ainsi mais vous êtes à l’acide hyaluronique ce que l’hydroxychloroquine est au Professeur Raoult. Vous avez raison envers et contre tout le monde quand bien même les publications scientifiques vous donnent tort. »
De son côté, Me Baptiste Scherrer, l’avocat du praticien, a répliqué : « Pardon, mais on se retrouve avec dix parties civiles alors que plus de 500 patients ont été opérés ! Le manque d’humilité qui lui est reproché ? Personne ne se dit que c’est de la passion ? Les patients sont venus le chercher. »
À l’issue des débats, la procureure a requis deux ans de prison avec sursis et 40 000 euros d’amende contre le médecin, sans interdiction d’exercer. Le tribunal devait rendre son délibéré tard dans la soirée de vendredi.
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