Drôle d’affaire à l’Ordre de Paris. Alors que le conseil départemental vient d’appeler ses ouailles à se rendre en fin d’année aux urnes pour voter le renouvellement de la moitié de ses élus, une sombre histoire aux allures de règlement de comptes vient troubler la quiétude estivale des ordinaux.
Retour en arrière. L’histoire commence le 11 février, date à laquelle les médecins parisiens étaient originellement appelés à voter pour leurs représentants. Mais le scrutin a été annulé trois mois plus tard par la justice. En cause : un sévère couac lors de la phase de dépôt de candidatures.
Pendant cette période, l’Ordre a déclaré irrecevable l’inscription d’un binôme de médecins titulaire et suppléant, l’un généraliste, l’autre ophtalmologiste, en raison de la non-déclaration de la naturalisation française du premier, comme l’impose le Code de la santé publique. Saisi par l’ophtalmologiste, le tribunal administratif a jugé la candidature bel et bien valide, annulé le scrutin et imposé de nouvelles élections dans un délai de six mois. C’est la raison pour laquelle le conseil départemental a dû convoquer une nouvelle fois les médecins à voter. Bis repetita, le bureau d’inscription est ouvert jusqu’au 20 septembre. L’élection est prévue fin novembre. Fin du premier acte.
Dans un mail adressé à ses confrères début août, le vice-président, Pr Raphaël Gaillard, a rappelé que l’Ordre de Paris a fait appel de cette décision mais qu’il compte néanmoins sur la « participation active » de ses confrères pour ce nouvel appel aux urnes. Cela aurait pu être la fin de la chronique d’une correction d’erreur administrative lors d’un scrutin contrôlé. Mais non.
« L’Ordre a fait n’importe quoi ! »
Deuxième acte. Entre en scène Me Bernard de Froment, avocat du Dr Stéphane Tala, le généraliste naturalisé français en 2014 d’origine camerounaise et de la Dr Ieva Sliesoraityte, ophtalmologiste lituanienne – soit le binôme de médecins dont la candidature a été refusée. Pour le Conseil, « l’Ordre a fait n’importe quoi ! » Son argumentaire est clair : quand le Dr Tala s’est inscrit à l’Ordre des médecins en 2013, il l’a fait sous la nationalité camerounaise. Et n’a pas, depuis, communiqué au Cnom sa naturalisation française. Or, pour être candidat aux élections du conseil de l’Ordre départemental de Paris, il est nécessaire d’avoir la nationalité française ou d’être un ressortissant d’un État membre de l’Union Européenne. « Pourquoi l’Ordre n’a-t-il donc pas vérifié auprès du Dr Tala sa nationalité puisqu’elle est une condition sine qua non et qu’il a, en plus, envoyé sa candidature en amont de la clôture des inscriptions ? », interroge Me de Froment. Lequel rapporte également que l’Ordre parisien a attendu l’expiration du délai pour envoyer un courrier aux intéressés les informant que leur candidature n’avait pas été acceptée.
Contacté, l’Ordre de Paris a écrit au Quotidien sa façon de voir les choses. « Le conseil départemental a estimé, sur la base des informations dont il disposait à la clôture du dépôt des candidatures et conformément à l’article 8 du règlement électoral, que la candidature du binôme devait être rejetée, ce dont les praticiens ont été informés. » Même si l’Ordre de Paris concède que « postérieurement à la clôture des candidatures, le Dr T. [le Dr Tala, NDLR] a fait valoir les justificatifs de sa nationalité française qui ne figuraient ni dans son dossier ordinal ni dans son dossier de candidature ». Néanmoins, pour valider une candidature, se défend-il encore en s’appuyant sur le Code de la santé publique, elle doit être complète au moins trente jours avant l’élection pour être recevable.
Tentative d’escroquerie
Troisième acte. L’avocat des deux médecins confie qu’un autre contentieux entre une amie d’un éminent ordinal et sa cliente – avec une procédure en chambre disciplinaire en cours – serait la raison de ce micmac. Une histoire de succession de cabinet, qui « donne un parfum un peu particulier autour de cette affaire », note l’avocat. Ou, dit plus trivialement : « l’idée de l’Ordre était clairement d’exclure l’ophtalmo colistière ».
Contactée, la Dr Ieva Sliesoraityte confirme cette version au Quotidien, se disant avoir été victime d’une tentative d’escroquerie dans le cadre d’un rachat de cabinet médical. Elle indique également qu’elle n’a pas reçu les 1 500 euros que le conseil départemental de Paris doit lui verser. « Je pense que ce n’est pas fini ! », ironise-t-elle. Informée par Le Quotidien de la tenue prochaine des élections – tandis que, selon l’Ordre 75, l’ensemble des 27 070 médecins parisiens inscrits au tableau aurait reçu la communication par mail le 5 août et que le binôme l’aurait effectivement bien reçu et l’un d’entre eux ouvert –, l’ophtalmologiste se dit prête à retenter l’expérience : « Nous allons nous présenter pour les prochaines élections… et les gagner ! »
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