Une signature qui coûte cher. Dans son édition de jeudi, L’Équipe révèle qu’Alexandre Barozzi, un ex-rugbyman professionnel devenu tétraplégique des suites d'une blessure subie lors d'une mêlée en 2013, a décidé de poursuivre en justice le médecin généraliste lui ayant délivré, deux mois avant, un certificat de non contre-indication à la pratique du rugby. Selon le quotidien sportif, l’accusation réclamerait une somme nettement supérieure à celles « habituellement versées par l’assureur de la Fédération française de rugby ».
Alors qu’il avait de lourds antécédents médicaux, le médecin généraliste – qui n’a pas souhaité nous répondre – se voit reprocher de n’avoir pas mené tous les examens nécessaires avant la délivrance de ce certificat. Dans une lettre adressée au joueur quelques semaines après la blessure qui a entraîné sa tétraplégie, évoquée par le journal, le médecin reconnaît n’avoir pas pris connaissance du dossier médical d'Alexandre Barozzi. « Devant l’excellente impression que j’avais à la suite de votre examen, je vous ai signé la licence et me suis promis de récupérer les résultats des examens paracliniques dont vous m’aviez décrit la normalité », aurait écrit le médecin.
« Tout généraliste peut s'identifier à cette histoire »
Ce jeudi matin, à la lecture de la double page de L'Équipe, Guillaume Barucq, médecin généraliste à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), très sensible aux questions du sport et de la santé, s’est ému sur Twitter du traitement réservé à son confrère mis en cause.
Accident dramatique mais comment peut-on en rendre responsable le médecin généraliste qui a signé le certificat ? https://t.co/nlJzt64skZ
— Guillaume Barucq (@GuillaumeBarucq) 1 novembre 2017
Contacté par Le Généraliste, Guillaume Barucq confie « avoir écrit un message d’encouragement à ce médecin ». « On ne peut pas le laisser dans cette situation terrible, explique-t-il. Si à partir d’aujourd'hui on peut assigner un généraliste pour lui faire porter la responsabilité d’un accident de jeu ou de sport, où allons-nous ? Après cette histoire je me vois mal signer une licence de rugby à un première ligne qui aurait le moindre antécédent. »
Le médecin basque enjoint d'ailleurs ses confrères et les syndicats à se saisir de l'affaire. « Tout généraliste peut s’identifier à cette histoire, il faut soutenir ce confrère, clame-t-il. Même s’il n’est pas reconnu coupable à la fin, rien que d'avoir l’idée d’aller chercher la responsabilité d’un médecin qui a fait son boulot me semble déplacé. »
Sortir du flou artistique
Le généraliste se dit choqué. « Vous êtes devant un patient que vous ne connaissiez pas avant. Vous l’examinez, vous l’interrogez. Il n’y a pas l’air d’avoir de problème apparent et vous dit que ses examens récents sont normaux… Vous êtes obligé de lui accorder bonne foi. Ou alors on ne signe que les certificats de ses patients. Mais à ce moment-là il faut changer les règles du jeu ! »
Le médecin basque pointe du doigt l'encadrement des consultations pour les certificats médicaux de non-contre indication à la pratique d'un sport. Selon lui, il faut « sortir du flou artistique », et que chaque fédération sportive liste les examens précis à réaliser pour la délivrance d'un certificat de non contre-indication (l'accident a eu lieu avant la récente réforme, NDLR) et prévoie une consultation longue rémunérée comme telle.
Repenser le rugby
Si le médecin remarque que « les médecins des clubs dans lesquels le joueur a joué avant ne lui ont pas interdit de jouer ». Il pose également la « question de la responsabilité individuelle du patient qui prime sur celle d’un médecin ». Aussi grave soit-il, l'accident dont le joueur a été victime n’est pas rarissime, observe Guillaume Barucq. « Cela peut arriver et notamment chez des joueurs qui n’ont pas d'antécédent au niveau cervical. Je suis curieux de voir comment on va établir le lien de causalité entre l'état précédent du patient et les conséquences… C’est un fait de jeu dramatique, on ne peut pas que compatir avec la douleur de ce joueur. Mais que des cabinets d'avocats conseillent d’attaquer des généralistes est grave car on trouvera toujours une faille. »
Pour limiter les accidents, la solution vient aussi du terrain estime le Dr Barucq. « On envoie des jeunes joueurs au casse-pipe. Avant de poursuivre un généraliste, il faut peut-être se poser des questions sur la façon dont le rugby moderne est pratiqué », conclut le généraliste de Biarritz.
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