La Haute autorité de santé (HAS) publie ce mercredi des recommandations à destination des professionnels de santé pour les aider à repérer les femmes victimes de violences au sein du couple. Cette publication intervient un mois après l'ouverture du Grenelle contre les violences conjugales pendant lequel seront organisés jusqu'au 25 novembre 2019 une centaine de débats sur le territoire national pour prendre des mesures contre ces violences au sein du couple. Plusieurs dispositions ont déjà été annoncées comme la possibilité de porter plainte directement à l'hôpital ou l'ouverture de 1 000 places d'hébergement d'urgence supplémentaires dès 2020.
En moyenne, chaque année en France 219 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences par leur partenaire (25 victimes par heure). Or, seules 19 % d’entre elles déclarent avoir déposé une plainte à la suite de ces violences. Ce manque de prise en compte des victimes et de la société dans son ensemble contribue aux 130 féminicides qui ont lieu chaque année dans le pays (112 depuis le début de l’année 2019 en date du 1er octobre).
Y penser en consultation
Les recommandations publiées ce mercredi insistent en premier lieu sur le fait que les violences conjugales sont aussi et éminemment une affaire médicale. « C'est un sujet médical, il n'est pas réservé aux assistantes sociales ou à la police, car il affecte directement la santé de nos patientes », explique le Dr Ghada Hatem, gynécologue-obstétricien, membre du groupe de travail. Comme l'explique la HAS, « la violence au sein du couple, qu’elle soit physique, sexuelle, verbale ou psychologique, peut avoir une incidence majeure sur la santé des victimes. L’état de tension, de peur et d’angoisse dans lequel elles sont maintenues par leur agresseur, de même que les coups et les blessures directes, ont de graves conséquences sur la santé et sont à l’origine de troubles très variés : physiques (signes fonctionnels vagues, chroniques, inexpliqués, lésions traumatiques répétées…), psychologiques (dépression, addictions, stress post-traumatique, troubles émotionnels, anxiété, troubles du sommeil ou de l’alimentation…), sexuels (infections répétées, douleurs pelviennes, grossesses non désirées, comportement à risque pendant la grossesse…) »
Devant de tels troubles, une suspicion de violence doit être évoquée par le médecin généraliste et ce d’autant plus que la victime est jeune, d’un faible niveau d’instruction, dépendante financièrement, déjà maltraitée pendant son enfance ou auparavant, ou en état de handicap ou de dépendance. Un partenaire accompagnant trop impliqué, répondant à la place de son ou sa partenaire, minimisant les symptômes ou tenant des propos méprisants est aussi un signe d’alerte.
Rechercher les signes de gravité
La consultation avec le médecin généraliste est un moment clé de détection des violences. La HAS recommande au médecin d'aborder systématiquement la question des violences avec chacune de ses patientes. « Il est important d'intégrer les violences comme une donnée de notre raisonnement clinique, de notre démarche diagnostique et thérapeutique », explique le Dr Mathilde Vicard-Olagne, généraliste à Clermont-Ferrand et membre du groupe de travail. Elle doit se faire en toute confidentialité – y compris en téléconsultation précise la HAS – et en favorisant un climat de confiance. Le partenaire ou l’entourage ne doit pas participer à la consultation car les victimes, qui déjà parlent assez rarement des violences subies, doivent pouvoir s’exprimer librement. Il est recommandé de débuter l’entretien par des questions de préférence ouvertes et adaptées à la situation.
Il est recommandé de préciser à la victime que ces questions sont abordées de façon systématique. Si la personne ne souhaite pas parler, il est essentiel de noter les éléments de doute dans le dossier et d’indiquer une liste des structures d’aides existantes.
Si la victime aborde le sujet, il est essentiel d’être à l’écoute, de ne pas banaliser et d’insister sur le respect de la confidentialité de la consultation. Le médecin doit légitimer la situation de victime, lui confirmer qu’elle est dans son droit de demander de l’aide, l’encourager dans cette démarche. En rappelant que les faits de violence sont interdits et punis par la loi, le médecin doit expliquer à la victime qu’elle est en droit de déposer plainte.
Un certificat doit être établi dans un but de dépôt de plainte. En cas de signes de gravité (fréquence, contexte, menaces…), le généraliste peut décider d’une hospitalisation immédiate, conseiller de porter plainte et informer la victime qu’elle peut saisir le juge aux affaires familiales pour une mesure d’éloignement immédiate, même si aucune plainte n’a été portée.
Le certificat médical
Outre un dossier médical exhaustif contenant les coordonnées, les observations factuelles et idéalement des photos des blessures physiques, le généraliste peut établir un certificat médical daté du jour la consultation et qui doit répondre à des règles précises.
- Reporter les dires en mode déclaratif : la victime déclare…
- Ne pas désigner de tiers responsable.
- Noter les doléances de façon exhaustive.
- Décrire les faits médicament constatés.
Le certificat médical peut préciser les éléments « d’incapacité » observés qui aideront les médecins légistes à déterminer l’ITT (Incapacité totale de travail). L’incapacité ne concerne pas le travail au sens habituel du mot, mais la durée de la gêne notable dans les activités de la vie courante de la victime, notamment : manger, dormir, se laver, s’habiller, sortir pour faire ses courses, se déplacer…
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