La rencontre a été programmée mardi 11 juin à Ségur. Frédéric Valletoux avait convié les cinq syndicats signataires de la convention médicale et la Cnam. Mais intervenant deux jours après la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, la réunion ressemblait plutôt à un pot de départ.
Nommé ministre en février pour remplacer Aurélien Rousseau, l’actuel locataire de Ségur va devoir jongler pendant les prochaines semaines entre ses obligations au gouvernement et la campagne électorale qui démarre. Les élections ont lieu le 30 juin et le 7 juillet. Tout comme d’autres ministres de Gabriel Attal, Frédéric Valletoux veut briguer à nouveau le mandat de député de la 2e circonscription de Seine-et-Marne, qu'il avait décroché en juin 2022 sous l'étiquette Horizons. Cette circonscription est celle de Fontainebleau, dont Frédéric Valletoux a été maire pendant 16 ans.
Mardi, devant les syndicats (CSMF, SML, MG France et FMF, l’Union Avenir Spé-Le Bloc s’étant excusé), le Bellifontain a pris sur le pas sur le ministre. « C’était cordial, mais il n’était pas très attentif à ce que nous disions, peste gentiment la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF. Et il parlait beaucoup de sa campagne électorale ! » La présidente du SML, la Dr Sophie Bauer, chirurgienne vasculaire de Melun, s’en amuse presque : « Frédéric Valletoux a essayé de me convaincre de voter pour lui car j’habite dans sa circonscription ».
Puis le ministre a repris le dessus, en essayant de rassurer les médecins libéraux sur l’avancée des chantiers en cours. Également en présence de Marguerite Cazeneuve (n° 2 de la Cnam) et de Marie Daudé (directrice de la DGOS), Frédéric Valletoux a évoqué l’avenir de la convention médicale, paraphée le 4 juin. « Le ministère semble dire que la convention médicale sera bien publiée avant les élections législatives », affirme la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France.
Également dans les tuyaux, le décret sur le service d’accès aux soins (SAS) et les textes sur les pratiques avancées des infirmiers IPA. Très attendu, le décret sur le SAS permet de fixer le cadre réglementaire de ce dispositif expérimenté depuis 2020 et de sécuriser les organisations. Pour les libéraux, ce texte devrait notamment préciser si l'inscription sur la nouvelle plateforme numérique nationale sera obligatoire, ce qui a été jusqu’à présent un point de blocage pour les syndicats. « Apparemment, le ministère a entendu notre demande et compte lever cette obligation. Mais nous attendons de voir le texte final », espère le Dr Franck Devulder, président de la CSMF.
Les décrets d’IPA contestés
Concernant les pratiques avancées des IPA, les échanges ont été un peu plus musclés. La loi Rist 2 de mai 2023 introduit le droit pour les IPA à la primo-prescription et, en ville, à l'accès direct en structure de soins coordonnés (maisons, centres). Or ces évolutions qui doivent être confirmées par les décrets d’application sont contestées par les syndicats de médecins libéraux. Qui ne se sont pas gênés pour faire part de leur inquiétude au ministre. « Penser qu’une profession qui n’a pas fait dix ans d’études peut remplacer un médecin est une grave erreur car cela va entraîner une catastrophe sanitaire », commente la Dr Bauer. « Si le texte sort comme tel, on tuera dans l’œuf le métier d’IPA libérales, renchérit le Dr Devulder. Quelle IPA voudra assumer toute la responsabilité, sans diagnostic médical, sans médecins ? »
Dans les semaines à venir, les syndicats resteront « attentifs » aux programmes des partis politiques sur la santé. « Quel que soit le prochain gouvernement, nous devons avancer vite sur la réforme en profondeur du système de santé pour donner l’accès aux soins des Français », conclut le patron de la CSMF.
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