« Mais qu’allons-nous devenir ? C’est une catastrophe ! » Le jour où deux de ses anciennes collaboratrices décident de quitter la maison de santé de Châtres-sur-Cher (Loir-et-Cher), les Castrais s’affolent. Confronté à ce désarroi général, et bien que retraité depuis 2015, Michel Daunay se résout alors à « rechausser les crampons pour repartir en tant que médecin généraliste ».
Généraliste pendant 38 ans et médecin volontaire chez les sapeurs-pompiers, il est aujourd’hui maire adjoint de Châtres-sur-Cher. À ce poste, il est l’instigateur de la mise en fonction de la maison de santé dans la commune. Un lieu de soins avec « de super locaux, un cabinet médical, une salle d’urgence, pour accueillir trois médecins généralistes, un dentiste, quatre infirmières, un ostéopathe, une psychomotricienne et deux kinésithérapeutes… ». Aujourd’hui, il ne reste plus que des infirmières, un ostéopathe, des kinés, un podologue et une psychomotricienne. Et, comme ce généraliste était un ancien maître de stage, il a permis que l’établissement soit un terrain de stage pour les internes de la faculté de Tours.
L’annonce du départ de ses deux anciennes collègues pour de nouveaux horizons hospitalier pour l’une et médecin salariée dans une autre commune pour l’autre, le chamboule, notamment celui de Delphine Leroux, sa collaboratrice durant 20 ans. Et c’est ainsi que les habitants de Châtres-sur-Cher se sont retrouvés sans médecin en septembre dernier. Il y avait déjà trop de patients à gérer par le seul médecin restant, comme l’explique l’omnipraticien.
Le président de l’agglomération de Romorantin-Lanthenay lui propose alors de reprendre du service. « Cela m'a motivé, déclare avec conviction le praticien. D’autant plus que je n’avais pas interrompu ma cotisation auprès du Conseil de l’Ordre afin de conserver le droit d’établir des ordonnances pour mes proches et mes voisins. »
Un parcours administratif semé d’embûches
Toutefois, l’Ordre des médecins du conseil départemental de Loir-et-Cher n’a pas partagé le même enthousiasme. Et l’aventure commence en juillet 2024. « Il fallait que je contacte le Conseil de l’Ordre pour obtenir l’autorisation de reprendre une activité. Le 2 juillet, je suis reçu par deux jeunes consœurs qui voulaient connaître mes motivations. "On vous donnera une réponse le 24 juillet" », m’a-t-on indiqué.
Les 24, 25, et 26 passent… Sans nouvelles de l’Ordre. Finalement, le Dr Daunay les contacte et apprend que son dossier pose problème. Le Dr Daunay n’a pas suivi de formation continue. La lettre du 21 août est lapidaire : « La médecine doit être pratiquée de manière régulière, et il est nécessaire de justifier d’une période de DPC de trois ans. Les membres du bureau ne sont pas favorables à votre reprise d’activité », peut-on lire.
Sans se décourager, le praticien continue de solliciter le Conseil de l’Ordre, tout en racontant son histoire dans la presse. Il répond à des interviews. Cela « a mis le feu aux poudres », souligne-t-il avec satisfaction. La situation apparaît d’autant plus paradoxale au moment où le Premier ministre, Michel Barnier, incite les médecins retraités à reprendre une activité.
Le 19 septembre, un nouveau courrier est adressé au médecin auquel sont proposées deux solutions : soit une autorisation de reprise d’activité sous condition d’une remise à niveau, soit une saisine de la commission restreinte de formation pour évaluer la nécessité d’un stage ou d’une formation préalable à la reprise d’activité. Mais cette alternative est balayée dans le courrier du 4 novembre, envoyé par le président du conseil régional de l’Ordre des médecins du Centre, où le Dr Daunay apprend qu’il « sera soumis à une expertise qui devra être effectuée par trois experts spécialistes en médecine générale ».
Bien que cette décision offusque le Dr Michel Daunay, il campe sur sa position. « Je vais me présenter devant cette commission, décide-t-il, mais je trouve cela scandaleux. Notre commune a perdu tous ses médecins. De nombreuses personnes se retrouvent incapables de renouveler leurs ordonnances. Je suis occupé entre la pêche, la chasse, sans oublier mon accordéon, ma reprise d’activité est motivé par ma volonté d’aider les habitants de la commune. » Et de conclure avec détermination : « Tous ces patients vont encombrer les urgences de Romorantin et de Vierzon. » Une chose est sûre, le Dr Daunay n’abandonnera pas !
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