Plus fourmis que cigales ! Ainsi se comportent les professionnels libéraux face à leur retraite, selon un sondage* OpinionWay pour Ampli Mutuelle réalisé auprès de 200 indépendants dont 79 % du secteur de la santé (26 % de médecins généralistes, 6 % de spécialistes, 16 % de dentistes et 31 % issus d'autres métiers), âgés en moyenne de 54 ans.
Premier enseignement : l'anticipation est la marque de fabrique des libéraux, sans doute parce qu'ils savent que leur protection sociale est plus fragile que celle des salariés. Ainsi 85 % des libéraux se déclarent concernés aujourd'hui par la retraite (et même 94 % des plus de 55 ans) et la moitié des sondés assurent être dans l'anticipation sur ce sujet.
Cette conscience aiguë de ces enjeux parfois lointains se traduit par un chiffre : la quasi-totalité d'entre eux jugent que le fait de se constituer un complément de retraite est indispensable (73 %) ou du moins préférable (25 %), à côté de ce que versera le régime obligatoire. De la parole aux actes : 60 % des sondés ont commencé à préparer leur retraite avant même 40 ans (dont 40 % avant 36 ans)… À l’inverse, seule une petite minorité de libéraux (7 %) attendent la cinquantaine pour s'y consacrer sérieusement.
Surcomplémentaire, assurance-vie et immobilier
Quelles sont les stratégies retraite privilégiées ?
Sans surprise, ceux qui ont commencé à s'y préparer (trois réponses en moyenne) optent volontiers pour un contrat de retraite supplémentaire (64 % avec un plébiscite pour le contrat Madelin), un investissement immobilier (64 % également) et un contrat d'assurance-vie (62 %) de préférence monosupport à 100 % euros, ce qui confirme leur aversion au risque. Le choix de l'assurance-vie en euros s'explique d'abord par la garantie et la disponibilité du capital. Ceux qui optent pour des contrats multisupports mettent logiquement en avant un rendement plus dynamique (et sont prêts à consacrer le quart de leurs investissements en actions). Les livrets d'épargne font moins recette (45 %), tout comme la bourse (21 %), l'achat d'œuvres d'art restant marginal.
Mais s'ils restent majoritairement prudents dans leur stratégie financière, les libéraux sont prêts à un effort d'épargne conséquent pour leur retraite complémentaire, autour de 13 % de leurs revenus en moyenne, selon cette enquête.
Choix assumé ou subi, les indépendants ont intégré l'idée de travailler longtemps, bien au-delà des 62 ans de l'âge légal. Ainsi, 41 % d'entre eux pensent partir à la retraite entre 66 et 70 ans et même 5 % au-delà de 71 ans. Les raisons invoquées pour ces départs plutôt tardifs : l'évolution des règles du jeu législatives (40 %) mais aussi la nécessité d'améliorer ses revenus futurs (23 %) et la passion du métier exercé (16 %).
Déficit d'information
Malgré leur intérêt vif et précoce pour le sujet de la retraite, un bon tiers des libéraux se sentent plutôt mal préparés sur le plan financier, d'abord pour des raisons personnelles, ensuite en raison de défauts d'information (difficulté à se renseigner, manque de clarté des données, etc.). À noter que par rapport à leurs collègues libéraux, les médecins se sentent plus aguerris.
S'agissant de la réglementation, les éléments généraux de la loi Madelin (1994) dédiée à la retraite – notamment ses avantages fiscaux – sont logiquement bien connus de plus de 80 % des libéraux. Ces contrats permettent aux non-salariés de bénéficier de compléments de retraite et de garanties de prévoyance personnelle constitués par des cotisations déductibles du bénéfice imposable.
En revanche, une petite minorité d'indépendants (5 %) connaissent précisément la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) pour l'épargne retraite. Quant au futur PER (plan d'épargne retraite), il reste très majoritairement méconnu des libéraux.
Quid, enfin, de l'unification des régimes de retraite au sein d'un régime universel programmé par Emmanuel Macron ? Pour 70 % des libéraux, la réforme est jugée plus égalitaire et plus simple à comprendre mais elle inquiète quatre libéraux sur dix. C'est principalement le risque de baisse de la pension qui nourrit l'inquiétude, devant les nouvelles règles désavantageuses de cotisations.
Côté médecins libéraux, plusieurs études et colloques ont montré à cet égard que les inquiétudes face à la réforme Macron concernent le basculement du régime complémentaire piloté par la CARMF (RCV, 44 % de la pension moyenne), le sort de l'ASV, au cœur du pacte conventionnel (35 % de l'allocation), mais aussi l'utilisation des réserves de sept milliards d'euros patiemment constituées par la profession.
* Étude quantitative auprès d'un échantillon de 200 professionnels libéraux, parmi lesquels 150 adhérents (CRISTAL et FONLIB) d'Ampli Mutuelle et 50 prospects. Questionnaire administré par téléphone d'une durée moyenne de 15 minutes (du 9 avril au 1er mai 2019)
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