Interpro, l'eldorado ?

Après la crise, les CPTS veulent se rendre incontournables

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Publié le 26/11/2021
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La Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) attend un signal décisif avec la signature de l'avenant 2 à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Ce texte désormais finalisé ouvre des perspectives de développement pour ces collectifs libéraux, malgré les craintes qui persistent sur le terrain.

Crédit photo : DR

Vaccination, tests, plateforme de distribution d'équipements de protection : avec la crise sanitaire, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la loi HPST (2016) ont démontré leur valeur ajoutée pour apporter des réponses collectives de proximité. Ces pools libéraux, en pleine croissance, veulent maintenant accélérer leur implantation dans les territoires et transformer l'essai.

Alors qu'Emmanuel Macron a fixé l'objectif d'un millier de communautés d'ici à 2022, le président de la Fédération des CPTS n'a caché pas sa satisfaction, lors de la journée nationale de l'organisation, à Bron (Rhône). « La dynamique de terrain est là, se réjouit le Dr Claude Leicher. On compte 172 structures signataires de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) avec la Cnam et 671 projets en cours de réalisation, soit 843 structures alors qu'on avait 49 signatures fin 2020. La courbe s'accélère ». Pour l'ex-président de MG France, militant de la structuration des soins primaires, « l'objectif de 1 000 CPTS fin 2022 est réaliste ». Selon la Cnam, 15 millions d'habitants sont déjà couverts (soit 22 % de la population et plus de 6 000 communes).

Accord pour Noël ?

Depuis des mois, les avocats de cette réorganisation guettent un accord entre la Sécu et les syndicats pour améliorer le cadre des CPTS et épauler très tôt les porteurs de projets. Alors que les premières copies de la caisse étaient jugées « insuffisantes », les dernières propositions de la Cnam, soumises à 40 syndicats, ont marqué des points, avec un soutien de 50 millions d'euros supplémentaires. À la Cnam, l'optimisme est permis pour aboutir mi-décembre. De fait, s'il est signé, l'avenant 2 à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) sera plus attractif pour ces groupements libéraux.

Au menu : l'augmentation des dotations allouées au fonctionnement et aux missions des CPTS (encadré ci-dessous), et ce dès la lettre d'intention, la création d'une sixième mission (réponses aux crises sanitaires graves) avec financement ad hoc et un cadre expérimental des équipes de soins primaires et spécialisées. Pour les plus grandes CPTS qui atteignent l'intégralité de leurs objectifs – toutes missions confondues – l'aide pourra ainsi grimper jusqu'à 580 000 euros. Une manne censée accélérer la transition vers l'exercice coordonné.  

Le défi des soins non programmés

Surtout, l'avenant clarifie le rôle de la CPTS dans la prise en charge des soins non programmés et l'articulation avec le nouveau service d'accès aux soins universel (SAS), priorité d'Olivier Véran. Le collectif libéral pourra non seulement être sollicité directement par la régulation SAS mais aussi participer à la régulation libérale. La communauté restera libre des modalités d'organisation (effection) pour gérer ces consultations imprévues. Par ailleurs, les praticiens de la CPTS seront « éligibles aux rémunérations SAS ». De quoi tenter de rassurer ceux qui redoutent une usine à gaz… 

Si ces avancées sont saluées par la Fédération des CPTS, le chemin reste semé d'embûches. Selon le Dr Laurence Philippe, présidente de la communauté de Châteauroux, la rémunération des régulateurs et des effecteurs reste « complexe » et « insuffisante » pour inciter les médecins libéraux à participer au SAS. « Comment la CPTS pourra-t-elle motiver les médecins qui travaillent déjà 12 à 14 heures/jour à prendre leur part si on les paie moins que dans les centres de vaccination ? », objecte la généraliste. L'avenant 9 prévoit pour le régulateur un forfait de 90 euros de l'heure avec prise en charge des cotisations sociales. L'effecteur, lui, sera rémunéré via 200 points de forfait structure (1 400 euros par an pour ouvrir des plages de rendez-vous) et avec des forfaits selon le nombre d'actes par trimestre  (4,67 à 14 euros par acte).

Les spécialistes, médecins traitants ? 

Le Dr Sophie Bauer, chirurgienne vasculaire et thoracique, se montre inquiète sur l'atteinte de certains objectifs par les CPTS. En raison de la carence de généralistes sur son territoire, elle estime que « l’accès aux médecins traitants sera le plus gros problème » pour sa communauté Melun Val de Seine en création. « Dans notre projet de santé, j’ai proposé que les spécialistes comme les cardiologues, les néphrologues ou les diabétologues puissent être des médecins traitants des patients chroniques pour soulager les généralistes. » Mais elle ignore si cette solution « provisoire » sera acceptée par l'Assurance-maladie.

Du côté de la CPTS Loire Vendée Océan, c'est le calcul de la taille de la CPTS, basée sur le nombre d'habitants résidant à l'année, qui inquiète. « Nous devons remplir des missions avec des moyens alloués selon la taille définie, souligne le Dr Laurent Brutus, président de cette structure. Or, nous sommes dans une zone touristique où la population est quadruplée pendant l'été. Est-il prévu d'adapter ces moyens en fonction de la population appelée à fréquenter le territoire ? ».

Au-delà les pionniers, nombre de libéraux déplorent toujours le côté « chronophage » pour monter leur projet. « On a passé des mois pour remplir le dossier, ce qui n'est pas à la portée de tout professionnel de santé, même initié », confie un membre de la CPTS Rennes Nord. Pourquoi n'avoir pas prévu un projet de santé prérempli ? ». Face aux multiples interrogations du terrain, la Fédération a prévu de créer un cahier de doléances qui sera remonté aux syndicats.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin