Négos conventionnelles, la douche froide ? Pourquoi le projet d'avenant 9 déçoit tous les syndicats de médecins libéraux

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Publié le 08/07/2021
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Crédit photo : S. Toubon

Dévoilées mercredi aux six syndicats représentatifs de médecins libéraux, les nouvelles propositions de l'Assurance-maladie sur l'avenant 9 – accompagnées d'un financement légèrement réévalué – ont toujours goût de trop peu dans la profession. Interrogées par « Le Quotidien », les organisations syndicales n'ont pas caché leur déception, considérant ce paquet de mesures « très loin du Ségur de la ville » promis

Thomas Fatôme, directeur général de la CNAM, estime au contraire que « cet avenant sera sûrement dans le top 3 des avenants les plus ambitieux, en tout cas en terme financier ».

Du rififi sur la visite

À ce stade, la CNAM n'a pas dévoilé avec précision le montant mis sur la table (certaines mesures sur les soins non programmés ayant un impact financier variable). Selon la CSMF, l'investissement supplémentaire consenti par l'Assurance-maladie serait proche de « 60 millions d'euros » par rapport à l'enveloppe de novembre 2020 (549 millions d'euros). Quoi qu'il en soit, les syndicats déplorent de « très timides avancées ». Pour l'UFML, il y a bien deux poids deux mesures. « Chaque euro qui a été dépensé pour l'hôpital devrait engendrer un euro pour la médecine libérale, là on est très loin du compte », ironise son chef de file, le Dr Jérôme Marty.   

Sur la majoration des visites gériatriques, la CNAM a accepté d'ajouter 20 millions supplémentaires par rapport à l'enveloppe initiale (100 millions) pour favoriser le maintien à domicile. Mais sa proposition d'étendre la visite longue et complexe (VL) de 70 euros (dont 10 euros de majoration de déplacement) à tous les patients de plus de 80 ans en ALD, « dans la limite de trois fois par an et par patient », déçoit tous les syndicats.

Le syndicat de généralistes MG France a demandé au minimum une fréquence de quatre fois par an pour l'extension de ces visites longues « afin de correspondre au terrain ». « On travaille par trimestre. Pour un diabétique, le bilan est fait tous les trois mois. En proposant trois fois, la CNAM méconnaît la pratique des médecins. Au-delà, on peut s'interroger sur la hauteur de l'enveloppe pour cet avenant », déclare le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Même déception à la FMF. « Cela ne correspond pas à ce que nous attendions. Pourquoi réserver la visite gériatrique aux patients en ALD ? », signale le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF.

La Fédération SOS Médecins, écartée des négociations officielles (la CNAM lui a proposé un simple « espace de dialogue »), rappelle ses revendications : augmenter de 10 euros tous les déplacements le soir et le week-end (ce qui n'est pas prévu dans le projet de la caisse) ; et passer à 70 euros la rémunération des visites complexes (personnes âgées, ALD) pour tous les médecins.

Mépris

Pour les spécialistes cette fois, la CNAM envisage de revaloriser de quatre euros l'avis ponctuel de consultant (APC) portant cette expertise à 54 euros. Un coup de pouce qui permettrait un supplément annuel variable selon les disciplines : +3 888 euros pour un hématologue, +3 657 euros pour un gastro-entérologue, 2 986 euros pour un ORL, +2 907 euros pour un chirurgien ou +2 558 euros pour un dermato.

Mais tous les syndicats de spécialistes s'accordent à réclamer une augmentation minimum de  « 5 euros » pour cet acte de consultant qui fait partie intégrante du parcours de soins. « Les spécialistes ne vont pas mettre cet argent dans leur poche, fait valoir le Dr Patrick Gasser, co-président d'Avenir Spé-Le BLOC. Ils investiront dans leur cabinet en recrutant du personnel afin de répondre aux demandes. Accorder 4 euros, c'est un signe de mépris de la médecine libérale. »

Autre point de blocage : la revalorisation des spécialités au bas de l'échelle des revenus. La CNAM a ciblé les pédiatres, psychiatres, gynécologues, endocrinologues et gériatres. « Ce n'est pas suffisant, résume le Dr Gasser. Il faut soutenir davantage la pédiatrie, la psychiatrie, l'endocrinologie mais aussi étendre les mesures notamment aux rhumatologues », dit-il, rappelant lui aussi que l'enveloppe de 140 millions allouée aux spécialistes est « loin des milliards déversés à l'hôpital ».

Un SAS sous-financé ? 

Enfin, les syndicats déplorent les financements jugés peu incitatifs pour rémunérer, d'une part, les médecins qui participeront aux soins non programmés dans le cadre du service d'accès aux soins (SAS) et, d'autre part, les médecins qui joueront le jeu des usages numériques. « Si on veut un vrai volet de synthèse médicale, c'est une demi-heure de travail pour le médecin traitant ! Là, la CNAM paie une dizaine d'euros. On ne le fera pas », alerte le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Il est indispensable que le gouvernement mette sur la table une enveloppe complémentaire pour la médecine libérale », ajoute le néphrologue.

Si rien de bouge du côté de la caisse, aucun syndicat n'avait l'intention de parapher cet avenant en l'état (MG France réservant sa position). Mais la CNAM espère toujours boucler un compromis avant fin juillet. 


Source : lequotidiendumedecin.fr