Reportée en raison des élections professionnelles, l'actuelle convention médicale (2016) arrivera à échéance le 31 mars 2023. Ce qui laisse un peu plus de dix mois aux partenaires conventionnels pour trouver un compromis.
Pour s'y préparer « dès maintenant », dixit Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, quatre groupes de travail préparatoires ont été programmés afin de partager le bilan des outils conventionnels de transformation des pratiques et d'accès aux soins – comme les contrats incitatifs démographiques, les contrats de pratique tarifaire maîtrisée (Optam/Optam-Co) ou encore la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp).
Deux séances ont déjà eu lieu en mars et avril sur les thématiques de santé publique (dont la Rosp) et de démographie médicale/attractivité. Deux autres ateliers sont attendus (mai et juin) portant sur les pratiques tarifaires et les rémunérations forfaitaires.
« Séances PowerPoint »
Ce tour de chauffe ne disconvient pas aux représentants des praticiens libéraux, plutôt favorables à « un état des lieux », sous réserve qu'il soit partagé, mais aussi soucieux d'acter « les échecs de tel ou tel dispositif », souligne un leader syndical. « Par exemple, dire que les contrats démographiques sont un échec total serait excessif, nuance le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Mais avec 5 000 contrats signés, le dispositif n'est pas suffisamment efficace car pas assez souple et difficile d'accès ».
Même critique vis-à-vis de la ROSP, qui montre ses limites. Excès d'indicateurs, calcul complexe, prime qui stagne mais aussi, paradoxalement, disciplines oubliées… « On s'aperçoit que beaucoup de spécialités sont en dehors du dispositif alors que les verticalités ont réfléchi à des actions de prévention et de santé publique », assume le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir Spé.
D'autres centrales se montrent plus critiques et voudraient entrer dans le vif des sujets. Ces « séances PowerPoint » sont vécues comme une séquence inutile par la Fédération des médecins de France (FMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML). « On n'a plus le temps pour cela », peste aussi le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, nouveau venu parmi les syndicats habilités à négocier. « D'autant que les thématiques ont été choisies par la Cnam, recadre la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Nous n'avons pas notre mot à dire, où est la co-construction pour un texte majeur qui doit redonner de vraies perspectives à la profession ? ».
Donnant-donnant
Éreintés après deux ans de bataille contre le Covid, les médecins libéraux se sont sentis ignorés, voire méprisés, après le Ségur de la santé qui, depuis 2020, a déversé des milliards d'euros vers l'hôpital (en revalorisations salariales, investissement et reprise de dette). À cet égard, l'avenant n°9 – censé incarner le Ségur ambulatoire et entré en vigueur en avril 2022 – n'a pas permis de panser les plaies des libéraux. Au contraire, il est vécu comme un demi-échec, notamment sur la valorisation des soins non programmés.
Pourtant, face une pénurie médicale qui compromet l'accès aux soins dans de nombreux départements, la profession se dit prête à relever plusieurs défis – organisationnel, territorial – y compris avec une réflexion sur les pratiques et l'évolution des compétences. Néanmoins, « nous avons besoin de confiance, d'autonomie et de moyens afin de répondre en responsabilité à ces défis et aux demandes des patients », avance le patron de la CSMF.
Mix de rémunération, équité entre spécialités
En contrepartie d'engagements éventuels à prendre en charge davantage de patients, la future convention devra accroître l'attractivité de la médecine libérale, plaident les syndicats à l'unisson. « Ce sera donnant-donnant », avertit le Dr Philippe Vermesch, président du SML.
La question du mix de rémunération (acte, Rosp, autres forfaits voire dotation populationnelle) – et des revalorisations d'honoraires – occupera comme d'habitude une large place dans ce nouveau pacte avec la Sécu. La quasi-totalité des syndicats devraient mettre en avant la valorisation des tarifs médicaux et la défense du paiement à l'acte, en réclamant une hausse significative de la consultation de référence (30 à 50 euros selon les revendications).
La CSMF appelle de longue date à une refonte des consultations en plusieurs niveaux lisibles et réévalués. Tirant les leçons d'un système de santé trop curatif, plusieurs centrales souhaitent des « consultations longues de prévention » à des âges clés de la vie. MG France prône plus que jamais l'« équité de revenus entre généralistes et spécialistes ». « Au terme de la future convention, nous souhaitons rejoindre la moyenne des revenus des spécialistes », revendique le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
Assistants et IPA
L'attractivité passe aussi par les conditions de travail, avec le déploiement des assistants médicaux et des infirmiers en pratique avancée (IPA) ainsi qu'un chantier de simplification administrative. « 30 % de notre activité reste consacrée aux tâches administratives, évalue la Dr Le Sauder (FMF). Si on peut simplifier, on gagnera du temps médical ».
Ces priorités seront-elles actées dans la future lettre de cadrage du ministre de la Santé, étape politique indispensable avant les négos ? En attendant cette feuille de route mais aussi les résultats de la « conférence des parties prenantes » promise cet été par Emmanuel Macron – qui aura forcément une traduction dans la future convention – les syndicats n'écartent pas la possibilité d'une plateforme commune. Des réunions bilatérales ont commencé en ce sens et une rencontre est envisagée pour bâtir ce socle partagé. L'été devrait être studieux avant les grandes manœuvres.
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