• L’effondrement de la participation
Seuls 4 médecins sur 10 ont voté, seuil historiquement bas. Le taux de participation était de 52,7 % en 2000, 46 % en 2006 et encore 44,6 % en 2010. La baisse est sensible dans les trois collèges. « Plus de la moitié des médecins ne se sont pas reconnus dans les projets des syndicats alors qu’ils avaient l’embarras du choix, cela doit interroger les acteurs et les politiques », décrypte le Dr Claude Pigement, ancien responsable santé du PS. L’UNOF évoque le « désarroi » de la profession. L’organisation laborieuse du scrutin, reposant en partie sur des prestataires retenus par chaque ARS, explique aussi le recul de la participation. De nombreux médecins n’ont pas reçu leur matériel de vote dans les temps, d’autres n’ont disposé que de 48 heures pour voter. En PACA, plusieurs centaines de suffrages expédiés par la Poste après le 12 octobre ont été écartés, représentant 10 % des votants. Dans plusieurs régions, des enveloppes T non tamponnées par la Poste n’ont pas été prises en compte.
• Le leader affaibli
La CSMF est la grande perdante de ce scrutin même si elle demeure la première organisation de la profession. La Conf’ a obtenu le plus grand nombre de voix et d’élus (voir page 4). Au niveau national, elle a cependant perdu 8 points et pèse dorénavant un quart des suffrages exprimés, talonnée par la FMF.
Surtout, la Confédération est en repli dans les trois collèges. Elle demeure en tête chez les spécialistes (40,6 %) mais perd 10 points, grignotée par le SML et la FMF. Dans les collèges généraliste (- 6,5 points) et AOC (- 7 points), le syndicat n’est plus que la 3e force syndicale. La stratégie confédérale d’une opposition raisonnée au projet de loi de santé n’a pas été payante. Le bureau de la CSMF devait se réunir mercredi pour analyser ce « mauvais résultat ». « Nous ferons notre autocritique », a déclaré le Dr Ortiz. « Nous avons été assimilés à la gestion des affaires », regrette-t-il. Selon un leader confédéral, la CSMF a tardé à prendre clairement position contre la loi de santé et a payé sa signature de l’avenant 8 encadrant les dépassements, en octobre 2012. « Nous n’avons pas assez défendu le secteur II, les médecins spécialistes et de bloc ne l’ont pas avalé ». Le sondage IFOP publié par « Le Quotidien » montrait aussi de faibles intentions de vote des femmes et des jeunes pour la Conf’, suggérant de s’adresser plus spécifiquement à cette cible.
• Défense catégorielle : MG France conforté
Premier en voix (31,3 %) et en sièges (138) dans le collège généraliste : MG France a remporté son pari en confortant sa place de premier syndicat des médecins de famille devant la FMF (27,6 %), l’UNOF-CSMF (20,2 %) et le SML (16,5 %). Avec grosso modo un tiers des suffrages, MG France affiche une remarquable stabilité au fil des élections, preuve de son ancrage régional solide. La partie n’était pourtant pas gagnée d’avance. Au moment où la campagne s’est durcie, le syndicat du Dr Claude Leicher a été la cible de vives critiques au sujet de son positionnement historique sur le tiers payant ou de sa proximité supposée avec la gauche, ses adversaires soulignant qu’il avait longtemps défendu la dispense d’avance de frais (avant de juger impraticable le TPG). « Le combat électoral a été âpre. Les médecins n’ont apprécié ni les invectives, ni les caricatures, notamment celles qui ont visé les personnes », a commenté MG France à l’issue du scrutin. Le syndicat monocatégoriel a su recentrer sa campagne sur la conquête de l’équité tarifaire de gré ou de force, la défense du métier, la filière universitaire, les moyens d’exercice ou encore la demande d’un moratoire sur le dossier accessibilité des cabinets. Une stratégie classique de défense catégorielle qui a payé.
• Le « carton » des ultracontestataires
Comme souvent (lire ci-dessous notre entretien), les élections ont profité aux discours tranchés et aux organisations qui incarnaient le plus clairement l’opposition (à la loi de santé, au TPG, à l’avenant 8, à Marisol Touraine...). De ce point de vue, la percée spectaculaire de la FMF mais aussi le succès du BLOC (deux tiers des voix dans son collège AOC) doivent beaucoup à des postures radicales : demande d’abrogation de la loi de santé, menaces de déconventionnement ou de blocage sanitaire national. De surcroît, les alliances locales opportunistes entre la FMF, Le BLOC et l’UFML, mais aussi le renfort des coordinations généralistes, ont été très efficaces, en particulier dans les régions où les collectifs médicaux spontanés se sont constitués. Comme pour MG France chez les généralistes, la réussite du BLOC s’explique par une forte identification catégorielle dans le secteur des plateaux techniques lourds. Une reconnaissance qui donne des arguments à ceux qui refusent la suppression programmée du collège AOC.
• De nouvelles alliances ?
La recomposition de l’échiquier syndical aura des conséquences sur la gouvernance des URPS (voir page 4) et sur la négociation conventionnelle. Le scrutin a consacré trois vainqueurs différents dans les trois collèges (MG France, le BLOC et la CSMF). Or, une convention ne peut être conclue que si les signataires représentent au minimum 30 % des suffrages exprimés dans chacun des trois collèges. Des coalitions seront nécessaires, les tractations ont déjà démarré. « Nous allons voir quelles alliances sont possibles », confie le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC, syndicat devenu quasi-incontournable pour la signature d’une convention. L’axe historique CSMF/SML, qui avait porté les conventions 2005 et 2011, est mis en question.
D’autant que le Dr Éric Henry, président du SML, a été élu il y a un an pour cesser « d’être dans la roue » de la CSMF. « Le paysage syndical est bouleversé », a-t-il relevé à l’issue du scrutin. Le SML s’est rapproché de la FMF, du BLOC et de l’UFML avec qui il a multiplié les happenings. Interrogé sur la coopération CSMF/SML, le Dr Ortiz préfère à ce stade « prendre un joker ».
La fragmentation pourrait faire le jeu des pouvoirs publics. « Il va être difficile de présenter un front commun devant la CNAM », confie un spécialiste du secteur.
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