Orthoptiste, podologue, IPA

Bouchées doubles sur la délégation de tâches

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Publié le 02/09/2022
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Aux urgences ou au sein d'équipes pluri-professionnelles en ville, le transfert d'actes ou d'activités médicales à des auxiliaires médicaux s'accélère depuis deux ans. Quatre nouveaux protocoles nationaux de coopération devraient voir le jour prochainement.
Urgences, filière visuelle, patients diabétiques : les lignes bougent entre professions

Urgences, filière visuelle, patients diabétiques : les lignes bougent entre professions
Crédit photo : Phanie et SEBASTIEN TOUBON

Dans un contexte de pénurie médicale, comment dégager du temps aux praticiens ? La délégation de certaines activités, souvent exercées uniquement par des médecins, à des paramédicaux est l'un des leviers, initié timidement par la loi Bachelot (hôpital, patients, santé, territoires – HPST) de 2009, puis rénové et simplifié en 2019 à la faveur de la loi Buzyn. Pour accélérer encore le mouvement, la DGOS a publié, début juin, quatre nouveaux appels à manifestations d'intérêts (AMI) permettant aux équipes de soins candidates (libérales ou hospitalières selon le projet) de proposer des protocoles de coopération nationaux. La procédure a été close fin juillet. Dans les prochaines semaines, ils pourront ainsi s'ajouter aux 54 protocoles déjà autorisés depuis 2020 dans des domaines aussi variés que la cystite, les entorses simples, la lombalgie aiguë, l'odynophagie, la rhinite allergique ou la varicelle.

Quatre nouveaux protocoles nationaux en préparation

Les deux premiers AMI lancés cet été concernent la filière visuelle. Afin d'améliorer la prise en charge des patients dans les territoires déficitaires, le protocole Muraine, autorisé depuis 2014, va être modifié afin de tenir compte de l'évolution des compétences des orthoptistes. Jusqu'à présent, ces professionnels ont la possibilité de réaliser le bilan visuel dans le cadre du renouvellement/adaptation des corrections optiques chez les adultes de 16 à 50 ans et analysé via la télémédecine par un ophtalmologiste. Avec le nouveau protocole, ils pourront réaliser ce bilan visuel chez les enfants âgés de 6 à 15 ans et les adultes de 42 ans et plus. « Ce protocole va permettre à l'orthoptiste de déceler de potentielles pathologies qui nécessitent un suivi ultérieur par l'ophtalmologiste », précise la DGOS. Par ailleurs, dans le cadre d'un deuxième protocole, ils pourront également « suivre les patients atteints de glaucome simple stabilisé ou d'une hypertonie oculaire simple en alternance ou à distance avec l'ophtalmologiste ».

Le troisième AMI concerne l'accès à la prévention des diabétiques à risque élevé de lésion de pieds. Il vise à autoriser le pédicure-podologue à effectuer, sans prescription médicale des séances de soins de prévention pour ces patients à risque lors d'une consultation de podologie. Selon la DGOS, 10 à 12 % des 3,5 millions de diabétiques à risque élevé pourront bénéficier de ces soins. Enfin, pour fluidifier la prise en charge des patients aux urgences, les infirmiers en pratique avancées (IPA) pourront de façon dérogatoire initier des prescriptions initiales de thérapeutiques et de traitements médicamenteux notamment des antibiotiques. « Sur tous ces sujets, nous attendons des propositions, rappelle le ministère. Avec ces protocoles nationaux, nous irons plus loin, à la fois en termes de compétences et de modèle économique dérogatoires ».

Élargissement des protocoles aux CPTS

Pour aller plus loin encore dans la mise en application des protocoles de prise en charge des soins non programmés, jusque-là réservés aux maisons de santé et centres de santé, le ministère va les élargir aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) signataires de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Selon la DGOS, une vingtaine d'équipes appliquent déjà ces protocoles dans les conditions définies par les arrêtés autorisant ces transferts. Mieux encore, l'adhésion à ces protocoles sera simplifiée pour réduire le temps de déclaration des équipes. « Jusqu'à fin septembre, nous allons proposer une démarche spécifique avec un formulaire unique à remplir en ligne », explique le ministère. Tout comme les MSP et les centres de santé, les équipes des CPTS bénéficieront d'une valorisation de cette activité via une rémunération spécifique forfaitaire allouée par l'Assurance-maladie.

Face au manque criant de médecins, les représentants des praticiens libéraux, longtemps plutôt réticents jusqu'à présent à ces transferts de taches n'ont plus beaucoup de choix. « C'est aujourd'hui cadré et protocolisé, reconnaît le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Mais je reste vigilant sur le partage de la rémunération entre les professionnels car cela peut être source de conflit dans l'équipe ». De son côté, la Dr Margot Bayart, vice-présidente de MG France, reste réservée. « Cela doit se baser sur un besoin des professionnels de santé, le respect du parcours de soins et des compétences de chacun, cadre-t-elle. Sans cela, au lieu de réorganiser le système de santé, on le désorganisera ».

 

 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin