Carotte et bâton : contre les déserts médicaux, des sénateurs proposent la consultation à 30 euros… et le conventionnement sélectif

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Publié le 06/04/2022

Crédit photo : PHANIE

L'influente commission de l'aménagement du territoire du Sénat a fait des déserts médicaux son cheval de bataille depuis des années, réclamant inlassablement l'instauration d'un conventionnement sélectif. À quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, l'occasion était forcément trop belle d'en remettre une couche au travers d'un nouveau rapport d'information adopté le 29 mars. D'autant qu'à force de répétition, l'idée d'une forme de régulation des installations en libéral a fini par infuser dans la campagne – Emmanuel Macron lui-même assume désormais ce choix.

Mais cette fois, la commission sénatoriale manie à la fois la carotte et bâton. Sur proposition du rapporteur, le sénateur (LR) de l'Allier Bruno Rojouan, elle recommande à l'unanimité « une combinaison ambitieuse et pragmatique de mesures d'équilibrage territorial de l'offre de soins, libératrices de temps médical et d'accroissement du nombre de professionnels de santé formés ». Un catalogue composé de dispositions consensuelles (montée en puissance des assistants médicaux, création de guichets uniques à l'installation, nouvelles bourses pour les étudiants des zones sous-dotées…) et d'autres plus clivantes.

Décennie noire ? 

« Si rien n'est fait, le pire est devant nous, alertent les sénateurs. La perspective d'une décennie noire en termes de démographie médicale est une réalité ». Dans ce contexte, les parlementaires invitent d'abord à « conditionner, dans les zones surdotées, l'installation à la cessation d'activité d'un médecin exerçant la même spécialité pour une meilleure répartition territoriale. » Ce conventionnement très sélectif en zone surdense – un départ obligatoire pour une arrivée – a déjà fait l'objet de multiples propositions de loi repoussées depuis une décennie par les gouvernements de tout bord. Olivier Véran a souvent expliqué qu'il n'existait pas de zone vraiment médicalement « surdotée », sauf dans l'esprit de certains élus régulateurs…

D'autre part, la même commission sénatoriale souhaite instaurer un « conventionnement sélectif temporaire » dans les territoires sous-dotés pour « rééquilibrer les installations » et rompre avec les « fractures médicales ». Le rapport ne précise la méthode qui serait privilégiée pour ce conventionnement temporaire. 

Des bonus dans les secteurs fragiles

Par ailleurs, si les incitations financières ne font pas tout – les sénateurs veulent au passage « en finir avec les aides inopérantes » – elles ne sont pas non plus totalement vaines. La commission propose dans les zones sous-denses de majorer de 30 % les indemnités des maîtres de stage, de revaloriser les indemnités de transport des internes ou encore de défiscaliser les actes de la permanence de soins.

Et comme Valérie Pécresse, qui avait annoncé cette mesure dans nos colonnes, la commission de l'aménagement du territoire du Sénat propose une hausse de la consultation des médecins généralistes « à 30 euros », en la réservant aux médecins généralistes de secteur I et « sans augmentation du reste à charge pour les patients ».

Les docteurs juniors très convoités

Enfin, alors que la future quatrième année d'internat de médecine générale a donné des idées à plusieurs candidats pour utiliser au mieux ces docteurs juniors – dont Valérie Pécresse, Anne Hidalgo ou Jean-Luc Mélenchon – les sénateurs l'ont également imaginée à leur sauce. « L'harmonisation à quatre ans permettrait de valoriser cette spécialité tout en favorisant l'exercice dans les zones sous-denses, grâce à une meilleure couverture territoriale des docteurs juniors, qui exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins sous le régime de l'autonomie supervisée », écrivent-ils.

« La désertification médicale est l’une des préoccupations majeures des Français, résume le sénateur centriste du Doubs, Jean François Longeot, président de la commission. Les élus locaux sont désemparés de ne pas pouvoir répondre aux demandes de soins de leurs habitants. » 


Source : lequotidiendumedecin.fr