DE NOTRE CORRESPONDANT
L’ASSOCIATION Régulib68, qui réunit les régulateurs libéraux du département du Haut-Rhin, a étudié (du 4 au 10 mars inclus) tous les appels parvenus au 15 et transmis ensuite par les permanenciers aux libéraux. Cette semaine-là, 133 appels survenus entre minuit et 7 heures ont été régulés par des généralistes libéraux, soit 19 par nuit. Ces généralistes ont, le plus souvent, donné des conseils téléphoniques, et fait intervenir un service de type UPATOU dans 29 cas. En revanche, ils n’ont incité que 19 fois les appelants à prendre contact avec le généraliste de garde de leur secteur… conseil effectivement suivi dans 14 cas. Ces 14 appels de patients au généraliste de garde se sont traduits par 11 visites réalisées, soit 1,5 par nuit dans un département qui compte 29 secteurs de gardes assurés par 29 médecins.
« Dans ces conditions, on peut donc se demander si un médecin de garde dans chaque secteur constitue la meilleure réponse à la PDS en nuit profonde », estime le Dr Jean-Yves Vogel, généraliste à Husseren-Wesserling, au cœur d’un secteur rural et montagneux du département, et lui-même régulateur. En d’autres termes, explique-t-il : « Faut-il demander à 20 médecins d’être présents pour effectuer une seule visite ? »« Nous sommes confrontés à la fois à l’obligation des gardes, mais aussi à celle d’être parfaitement disponibles le lendemain pour nos patients habituels, sans repos compensateur », poursuit-il, en notant que les jeunes médecins – et surtout les femmes – rejettent de plus en plus souvent l’installation en libéral à cause de contraintes de ce type.
Avec ses confrères de Régulib, il juge qu’il ne faut pas « supprimer la garde », mais sans doute en revoir l’organisation et le fonctionnement : « Cette enquête est une première, et c’est un état des lieux ; elle doit aider nos partenaires, comme l’Ordre et l’ARS, à émettre des propositions concrètes », termine-t-il. En outre, elle permet aux généralistes de faire voler en éclat l’idée très répandue qu’un arrêt des gardes libérales saturerait gravement les autres structures de permanence des soins.
Paradoxe.
Le Dr Bruno Goulesque, directeur médical du SAMU et des urgences du centre hospitalier de Mulhouse, estime, lui, que même si l’activité nocturne des libéraux est faible, elle reste irremplaçable pour un certain nombre d’actes comme les certificats de décès à domicile ou les appels de personnes âgées grabataires. De plus, selon lui, « l’arrêt des gardes de nuit dégraderait largement l’image des généralistes auprès du public, et préfigurerait sans doute un abandon ultérieur de la PDS le week-end ». Pour lui, le paradoxe entre des médecins surchargés en journée, mais sans activité les nuits de garde alors qu’ils doivent les effectuer, illustre aussi les problèmes croissants de la démographie médicale, qui ne feront que s’aggraver dans l’avenir. Sa conclusion : il est grand temps de réfléchir au problème de la couverture permanente des populations en dehors des villes – un problème qui ne se pose pas à Mulhouse en raison de la présence de SOS médecins – en sachant aussi que les choix qui seront faits devront être clairs et peut être douloureux. « Si on estime qu’une couverture permanente n’est plus possible à la campagne, il faudra avoir le courage de le dire à la population », explique-t-il, en estimant qu’une « refonte des secteurs de garde » pourrait, sinon régler le problème, du moins en diminuer l’intensité.
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