L’histoire démarre en 2021. La réalisatrice d’« Aux petits soins », Camille Pitron, découvre l’existence des « tours de France des remplacements ». Avant de tomber sur celui du Dr Martial Jardel, généraliste limousin trentenaire qui sillonne les déserts médicaux de l'Hexagone en camping-car… Après quelques recherches sur Internet, elle prend contact avec Mathilde et Antoine. Nouvellement diplômés, ces généralistes de 28 ans ont eux aussi décidé de parcourir la France pendant des mois – de la Bretagne au Berry en passant par la Lorraine – pour proposer leurs services comme remplaçants et découvrir les facettes de l'exercice. Au bout de leur voyage, ils décideront où ils posent leurs valises.
Construire son modèle
Très vite, la cinéaste se rend compte que le couple est « très représentatif de cette nouvelle génération de médecins qui a besoin de découvrir la France », loin des sentiers battus, de poursuivre son initiation en dehors du cadre des cours et de l'internat « pour construire son propre modèle ». Il s'agit de lever le voile sur la réalité médicale, sans dramatisation, en insistant sur les rencontres humaines et les expériences vécues. « Le secteur médical en crise est le plus souvent filmé avec gravité. Nous avons voulu comprendre comment, dans un contexte aussi tendu, se projette la relève, qui s’apprête à̀ entrer dans le métier », explique la réalisatrice.
Très attentifs à l'équilibre vie privée/vie professionnelle, refusant le modèle sacerdotal de leurs aînés, nombre de jeunes généralistes privilégient en effet le travail en équipe, l'exercice mixte ou même le salariat, plus rassurant. Pour Mathilde et Antoine en tout cas, ce tour de France offre une occasion en or « d’apprendre à gérer des situations médico-sociales complexes, à s’adapter à l’offre de soins d’un territoire ».
Dans le village d’Argenton-sur-Creuse (Berry), première étape de leur périple, Antoine confie à la cinéaste son enthousiasme et la dure réalité démographique. « Nous sommes bien accueillis car il manque des médecins partout… » Un confrère se charge de leur faire visiter leur appartement, d’expliquer l’organisation de la maison de santé où Antoine fera des « remplas ». Un autre les prévient que le nombre de patients par généraliste sur ce territoire est « bien supérieur à la moyenne nationale ». De son côté, Mathilde a rejoint le cabinet d’un généraliste. Quelques semaines plus tard, c'est le maire de « la petite Venise du Berry » qui tente de convaincre Antoine de s’installer sur place, sans succès. « Il y a de la concurrence », réplique le jeune généraliste. Le couple a aussi choisi le Berry pour retrouver des amis lancés dans l’aventure du maraîchage. Comme eux, Mathilde et Antoine sont intéressés par la « ruralité », en quête d’un projet « pour s’accorder de la qualité de vie », ne pas faire « des journées à rallonge ».
« Slow médecine »
Quelques semaines plus tard, le couple quitte le Berry pour prolonger l'aventure en Lorraine (Meuse, Meurthe-et-Moselle), leur région d’origine. Mais cette fois, les deux amoureux travailleront à une heure et demi de distance en voiture, dans deux maisons de santé différentes. Sur le chemin, Mathilde se prend à rêver de « remplacements en itinérance à vélo ! Cela serait de la "slow médecine" ».
Sur place, le rythme est intense mais « on a davantage de soutien que dans le Berry, observe Antoine. C’est plus facile d’avoir des spécialistes et de faire des examens ». Mathilde apprécie le fait de pouvoir « partager la charge de travail », sans être contrainte de travailler « cinq jours sur sept ». Revers de la médaille : certains patients exigent une prise en charge particulièrement lourde, comme cet homme âgé en fin de vie souhaitant être hospitalisé à domicile. En vain…
L'attrait du collectif
Le jeune couple quitte sans regrets la Lorraine pour s’installer à Dinan, dans les Côtes-d'Armor. Durant plusieurs semaines, ils exerceront dans la même maison de santé. Antoine travaille avec l’association Noz-Deiz, spécialisée dans la réinsertion de personnes en difficulté. Accompagné par un interprète, le jeune médecin prend en charge des migrants. Il confie avoir été « déstabilisé » par cette expérience, n'ayant jamais été confronté à des patients qui ont « des histoires de vie aussi lourdes ».
De son côté, Mathilde est conquise par l’exercice collectif, ravie d'avoir exercé « dans un grand cabinet de groupe, avec des collègues », dans des locaux neufs. La jeune femme a eu la chance d’être formée en gynécologie, domaine dans lequel elle voudrait exercer. Séduite par la Bretagne, elle tente de convaincre Antoine de s’y installer. Mais le jeune homme a encore « envie de voir du pays »…
De leurs expériences, les deux généralistes acquièrent la conviction que la « modernisation des cabinets », le travail collégial (partage de dossiers, protocoles d’accès direct) et le fait d’être « soutenus sur le plan administratif » (assistants médicaux, mairies) « font vraiment la différence ». Leur projet s'affine : le couple choisira plutôt un exercice semi-rural, pas trop loin de la mer, en cabinet de groupe, avec un rythme de quatre jours par semaine…
* Film disponible sur le site france.tv dès le 31 mars. Une diffusion est prévue sur France 3 (Grand Est, Bretagne, Centre-Val de Loire) le 6 avril dans « La France en Vrai » à 22h50, lors d’une soirée spéciale « santé », prévue sur les antennes régionales de France 3.
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