LA FRANCE entière est appelée aujourd’hui par l’intersyndicale CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires et CFTC à se mettre en grève et à manifester pour protester contre le projet gouvernemental de réforme des retraites (« le Quotidien » du 18 juin). Dans ce concert, mis à part les anesthésistes du SNPHAR-E (voir notre édition d’hier), les médecins sont plutôt silencieux. Il faut dire qu’en ville, la réforme ne fait que les effleurer (lire ci-dessous) et qu’à l’hôpital, où elle les concerne au même titre que n’importe quel salarié – ce qui signifie que l’âge légal y passe à 62 ans – elle s’inscrit dans un drôle de contexte.
En effet, en septembre 2008, le régime de retraite complémentaire des praticiens hospitaliers – l’IRCANTEC (Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques) – a été révisé, afin d’assurer l’équilibre du régime à l’horizon 2040, selon des modalités qu’ils contestent. Très défavorable aux médecins dans la mesure où, contrairement à ce qui se passe pour les autres affiliés du régime, l’IRCANTEC représente chez eux quelque 55 % des retraites perçues, cette réforme signifie, à terme, une diminution des pensions des PH que le SNPHAR-E, par exemple, estime à 30 % (il y a à ce sujet bataille de chiffres entre les différents syndicats).
Depuis deux ans, les syndicats de PH revendiquent des mesures compensatoires qui pourraient prendre la forme d’une extension de l’assiette de cotisation à l’IRCANTEC pour les PH à temps partiel, d’une intégration des astreintes et des primes dans cette même assiette de cotisation, d’une valorisation du compte épargne temps pour la retraite, d’une reconnaissance de la pénibilité via la limitation de la durée de cotisation à 160 trimestres pour les spécialités à gardes… Sur au moins une de ces revendications (l’élargissement de l’assiette de cotisation aux primes et aux astreintes, qui représente, selon les pouvoirs publics, une addition de 180 millions d’euros environ), il semble que les choses soient sur le point de se débloquer. Le ministère de la Santé indique qu’« il va y avoir à la fin du mois de juin ou au tout début du mois de juillet une concertation sur l’IRCANTEC entre les présidents des quatre intersyndicats de PH et la ministre Roselyne Bachelot ». Si les parties s’entendent – et cela passera par une signature –, les mesures compensatoires arrêtées pourraient être mises en œuvre « dans les semaines qui suivent », précise le ministère.
La pénibilité de la garde.
Face à cet enjeu précis, les PH – qui prendraient leur retraite à 63,8 ans en moyenne – envisagent avec philosophie les projets « retraite » du gouvernement. « Sachant que notre longévité de carrière est déjà exceptionnelle, nous les regardons avec perplexité », commente le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH). Les spécialités à garde se mettent, elles, en ordre de bataille sur la question de la pénibilité, qui prend un relief particulier avec l’allongement de la durée du travail. « Moi, quand j’ai commencé à travailler, à partir de 45 ans, on ne prenait plus de gardes, se souvient le Dr Nicole Smolski, présidente du SNPHAR-E. Aujourd’hui, à 60-65 ans, on continue à le faire. Et après ? On va demander à des praticiens de 67 ans de faire des péridurales à 3 heures du matin ? Ce n’est pas possible ! » Soucieuse de faire reconnaître en particulier le travail de nuit, le Dr Smolski est en train de monter un front commun de médecins hospitaliers issus de toutes les spécialités concernées (obstétriciens, pédiatres, réanimateurs, urgentistes…) et de tous les statuts (PH et PU-PH). Nous allons faire du bruit à la rentrée, prévient-elle.
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