La rémunération des praticiens « mercenaires » plafonnée dès 2018

Encadrement de l'intérim médical : l'hôpital salue un premier pas mais…

Par
Publié le 04/12/2017
Article réservé aux abonnés
interim

interim
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Cinq ans après le rapport choc du Dr Olivier Véran sur les dérives de l'intérim médical à l'hôpital, un décret et un arrêté publiés au « Journal officiel » concrétisent l'encadrement de cette pratique qui grève le budget des hôpitaux, contraints d'embaucher à prix d'or des praticiens « mercenaires » notamment dans des spécialités à risque : anesthésie, urgences, réanimation, obstétrique, etc.

Attendus en application de la loi santé de janvier 2016, les deux textes plafonnent la rémunération d'un PH intérimaire à hauteur de 1 404,05 euros brut pour 24 heures de travail en 2018, puis 1 287,05 euros en 2019 et 1 170,04 euros à partir de 2020. Ces plafonds correspondent à la valorisation d'une journée d’un PH sous statut (entre le dixième et le onzième échelon) rémunéré en temps de travail additionnel et qui perçoit une indemnité de sujétion, précise le ministère au « Quotidien ».  

Les agences d’intérim devront renseigner les établissements sur les qualifications, l'autorisation d'exercice, l'aptitude et le non-cumul d'activité de leurs poulains.

Stopper l'hémorragie

En 2013, le Dr Véran dénombrait 6 000 médecins « mercenaires ». Il n'existe pas de nouveau décompte national précis mais « la situation de l'intérim médical est assez généralisée, même si toutes les spécialités ne sont pas concernées avec la même intensité », confirme le ministère de la Santé. Le coût : un demi-milliard d'euros par an.

En 2017, l'enjeu de l'intérim médical reste capital. Un poste sur quatre de PH temps plein est vacant, selon le CNG qui gère les carrières hospitalières. À Forez (Loire), l'hôpital sera placé sous administration provisoire en janvier pour cause d'activité insuffisante et de finances plombées par l'intérim, selon l'ARS. Dans l'Indre, l'hôpital de Châteauroux aurait déboursé cet été jusqu'à 2 000 euros pour des gardes de 24 heures. 

Les gros établissements ne sont pas épargnés. Depuis la rentrée, le CHU de Nancy recourt à l'intérim « de manière plus massive » (1,7 million d'euros) pour compenser la pénurie d'anesthésistes, une « situation de tension liée à un trou générationnel », indique la direction. S'y ajoute la concurrence avec le privé...

Intérim fixe 

L'hôpital est partagé sur les effets du dispositif de plafonnement. « Cette mesure ne règle pas le problème de l'attractivité médicale mais c'est un petit pas dans la bonne direction au regard des excès », commente Jérémie Sécher, directeur de l'hôpital d'Antibes et président du SMPS (managers publics) qui exhorte à « aller plus loin sur les statuts et les conditions d'exercice pour se donner les capacités de recruter »

Personnellement concerné, Maxime Morin, directeur de l'hôpital de Cherbourg (Manche) et secrétaire général adjoint du SYNCASS-CFDT, est plus enthousiaste : « C'est une mesure bienvenue car indispensable ! Les hôpitaux sont dans une logique d'offre et de demande médicale, de négociations avec les cabinets de recrutement. On en arrive à faire de l'intérim fixe ». Maxime Morin n'entend pas faire « d'économies fantastiques » en 2018 mais apprécie cette régulation d'un marché opaque. À Cherbourg, l'intérim coûte 3,5 millions d'euros par an. C'est plus de 10 % du budget du personnel médical.

La réforme devra faire ses preuves. Pour Jacques Trévidic, président d'APH, centrale mobilisée de longue date contre « l'intérim médical légalisé », « il aurait fallu interdire cette pratique. Comme c'est impossible vu l'ampleur des dégâts, on légalise pour contrôler ». Le pharmacien de l'hôpital de Caudan (Morbihan) persiste et signe : « Réduire les dépenses, c'est plus facile que revaloriser le travail des PH. Sans la disparition des cinq premiers échelons de la grille salariale, on ne parviendra ni à recruter ni à fidéliser les médecins. »

Au ministère, on veut croire que cette régulation de l'intérim permettra de rendre les pratiques « équitables, comparables et lisibles » et d'éviter les effets « perturbateurs » au sein des équipes médicales.   

 

 

 

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9624