« Médecins, pas larbins », « C'est la médecine qu'on assassine », « Médecine libérale maltraitée, désert médical assuré », « SOS Fatôme, Médecins en Braun-Out », « Médecins en sous France »… C'est dans une marée de pancartes et sur l'air de Bella Ciao que des milliers de blouses blanches ont battu ce jeudi le pavé parisien, à partir de 13 heures pétantes devant le Panthéon.
Micros, porte-voix et sifflets : le collectif « Médecins pour demain », à l'origine de cette deuxième journée de manifestation parisienne, soutenu par trois syndicats représentatifs (UFML-S, SML et FMF), a harangué la foule, bien encadrée par la police.
Médecine au rabais
Installée dans une maison de santé depuis 2019, la Dr Léa Roumengous, généraliste, est venue de Villeurbanne pour réclamer « une revalorisation globale de notre travail ». À ses côtés la Dr Marie Venet, généraliste à Lille, partage la revendication principale, portée en étendard, à savoir le doublement du tarif de la consultation à 50 euros.
Mais les trentenaires évoquent bien d'autres motifs de colère comme l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), proposé par la députée (Renaissance) Stéphanie Rist. La rhumatologue défend la semaine prochaine un texte de loi qui prévoit d'autoriser l'accès direct à plusieurs professions non médicales (IPA, kinés, orthophonistes). « Aujourd'hui, on fait de la médecine au rabais, renchérit la Dr Marie Venet. On fait venir des médecins étrangers, on demande aux infirmiers de faire la moitié de notre travail alors que le problème est l'attractivité de notre profession ».
Métier abîmé
Un peu plus loin dans la foule, la Dr Priscilla Devulder, généraliste à Vannes, tape dans les mains pour encourager les troupes. « Je fais grève non pas pour les 50 euros comme c'est souvent résumé mais pour défendre un métier qui est abîmé » confie-t-elle au « Quotidien ». Resté un peu à l'écart, le Dr Laurent Laloum, ophtalmologiste parisien de secteur II, a fermé son cabinet depuis deux semaines. « Je suis là en tant que futur patient inquiet car si la consultation n'arrive pas à 50 euros, il n'y aura pas de médecins qualifiés pour me soigner demain », dit-il.
Malgré une pluie légère et un temps gris, le cortège s'est élancé dans une ambiance festive en direction de l'Avenue de Ségur. Tout au long du parcours, il a fait plusieurs arrêts pour expliquer le ras-le-bol largement partagé. Alors que le système de santé est à bout en ville comme à l'hôpital, le collectif « Médecins pour demain » a dénoncé « l'immobilisme du gouvernement et du ministre de la Santé » face aux appels au secours des médecins de terrain.
Depuis le début du mouvement, ce groupe formé sur Facebook (qui regroupe 16 000 membres) revendique une revalorisation de la consultation de 25 à 50 euros (en recyclant aussi de nombreux forfaits), une façon de provoquer « un choc d'attractivité ». Mais ce jeudi matin, sur France 2, François Braun a écarté l'hypothèse d'un tarif réévalué à 50 euros, même s'il y aura bien une revalorisation, a ajouté le ministre, qui reconnaît les difficultés des médecins.
MG France épinglé
Une position aussitôt dénoncée par le collectif qui dénonce la délégation de tâches médicales sans concertation, la mise en place de télécabines, autant de signaux d'une médecine « dégradée ». « Ils vont tuer la médecine de ville comme ils l'ont tué l'hôpital », lance dans le micro le Dr Julien Sibour, membre du collectif. Dans son discours, le généraliste de Vitrolles a dénoncé « l'absence de solidarité et la partialité du syndicat MG France ». « Non content de jouer les gentils soldats à la botte du gouvernement, sa présidente a considéré que 50 euros pour une consultation n'avait pas beaucoup de sens. On invite le syndicat à communiquer leur nombre d'adhérents et leur financement pour juger si leur représentativité a encore du sens », crie le Dr Sibour.
Cette mobilisation tombe à la veille des vœux présidentiels aux acteurs de la santé – libéraux et hospitaliers – que présentera Emmanuel Macron ce vendredi, lors d'un déplacement au centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) d'Evry. Selon la Dr Sophie Bauer, présidente du SML, reçue rapidement aujourd'hui avec cinq autres médecins par François Braun, le chef de l'État devrait faire des « annonces ». Un discours que le collectif écoutera « très attentivement », promet la Dr Christelle Audigier, fondatrice de « Médecins pour demain ». Le bras de fer continue.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre