Italie : insulté par des assurés, un généraliste d'origine camerounaise jette l'éponge en Lombardie

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Publié le 22/11/2022
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Crédit photo : DR

En Lombardie, dans le nord de l’Italie, un généraliste d’origine camerounaise a finalement décidé de jeter l’éponge après avoir été vilipendé et insulté par des assurés qui refusaient de se faire soigner par un médecin africain.

L’histoire se passe à Fagnano Olona, une commune italienne peuplée de 12 300 habitants et située dans le nord du pays, en Lombardie. C’est dans cette région, l’une des plus productives d’Italie et politiquement liée à l’extrême droite, que le Dr Enock Rodrigue Emvolo avait décidé de s’installer. Né au Cameroun en 1978 – pays qu’il a quitté pour venir faire des études de médecine en Italie –, ce généraliste a été nommé par la Sécurité sociale italienne après le départ en retraite d’un praticien italien.

Moqueries

Mais dès son arrivée dans cette petite ville, les choses ont été compliquées et tendues. Pourtant bien accueilli par une partie de la population locale, le Dr Emvolo a été en revanche pris à partie par de nombreux assurés qui ont ouvertement refusé de se faire soigner par un médecin africain. Capacités professionnelles remises en question, attaques et moqueries au sujet de sa couleur de sa peau : des patients lui ont conseillé de « laisser tomber la médecine et de s’occuper des chèvres », d’autres de « partir ». 

Fier de ses origines, ce praticien de 48 ans s'est dit « choqué » par les réactions haineuses, et ce d'autant plus au regard de son parcours personnel. « Je suis Camerounais mais je suis arrivé en Italie en 2005, a-t-il confié. J’ai étudié ici, je suis diplômé ici, je travaille ici, je sauve des vies ici. Cette situation est tout simplement inacceptable en 2022, cela veut dire que nous n’avons rien compris. »  

Intolérance 

L’affaire a pris une tournure politique. Dans la commune, une partie des habitants défendait âprement le Dr Emvolo. Mais d'autres persistent et signent dans leur hostilité : le Dr Emvolo n'est pas le bienvenu et doit partir.

Du côté de la classe politique, certains leaders se sont inquiétés de la montée de l'intolérance. Il faut dire que cette affaire rappelle un autre épisode similaire de racisme avec un urgentiste d’origine africaine injurié par un patient au lendemain du 15 août, faits divers qui avait pris là aussi une tournure nationale.

L'extrême droite au pouvoir

La  presse s’est emparée de cette histoire de « racisme à l’italienne » et certains éditorialistes évoquent les effets du discours du gouvernement de Giorgia Meloni, première ministre et égérie de l’extrême droite qui a ouvertement déclaré la guerre aux migrants.

Des élus locaux ont plaidé de leur côté qu'à Fagnano Olano, le racisme « n’existe pas » et le maire de la commune, Marco Baroffio, a rencontré le généraliste. L'édile s’est excusé auprès du médecin, ne comprenant pas qu’une partie de ses administrés puissent faire preuve d’une telle « stupidité et d’autant d’obscurantisme ». Le maire a surtout demandé au Dr Emvolo de rester, ajoutant que son départ serait une catastrophe. Impossible de trouver un remplaçant au pied levé en cette période de pénurie de soignants.

« Si on ne veut pas de moi ici, je suis prêt à partir », a rétorqué le médecin. Au fil des jours, la pression est devenue trop forte et le généraliste a annoncé son départ définitif, officiellement pour se spécialiser en médecine d’urgence. 

Ariel F. Dumont, à Rome

Source : lequotidiendumedecin.fr