LE QUOTIDIEN - VOUS considérez-vous comme l’arbitre des conflits entre les patients et leurs médecins ?
JEAN-PAUL DELEVOYE - Nous ne sommes ni des procureurs, ni des avocats, mais des facilitateurs de communication entre professionnels de santé et malades, lorsqu’éclate une crise de confiance. Notre objectif vise alors à réapprendre aux uns et aux autres à se parler, avant que la rupture du dialogue ne dégénère en affrontement judiciaire. En analysant les affaires qui nous sont soumises, nous voulons passer d’une culture de la faute, par nature inexcusable et donc sanctionnable, à une culture de l’erreur ; il s’agit de comprendre les événements pour éviter qu’ils ne se reproduisent et contribuer au signalement et à la transparence. Cela ne peut qu’aider à apaiser la relation médecin-malade.
Justement, beaucoup de médecins sont inquiets devant les dérives de la judiciarisation.
Nous voulons les libérer de cette peur qui peut conduire à la tétanisation. Dans la plupart des cas, les victimes d’un événement indésirable cherchent surtout à comprendre ce qui s’est passé et non à exiger une réparation devant un juge. Il faut donc rechercher systématiquement la vérité, comme on le fait dans des activités à risques comme l’aviation civile, ou l’industrie nucléaire. Paradoxalement, ce n’est pas toujours le cas dans le domaine de la santé.
La culture du pouvoir, en l’occurrence d’un certain pouvoir médical, doit changer de nature. Le médecin ne peut plus s’abriter derrière son titre, la circulation de l’information sur Internet a contribué à le faire descendre de son piédestal. Disant cela, je ne considère pas que le patient doit avoir tous les droits. Simplement, en valorisant son témoignage à la suite d’un accident, en l’écoutant, en l’analysant et en l’accompagnant, nous voulons aider à la recherche de la vérité. Dans la santé comme ailleurs, cette recherche aide les uns et les autres à mieux assumer leurs responsabilités, elle anoblit l’ensemble des acteurs.
Récemment, des affaires ont donné lieu à des surenchères médiatiques. Que faire face à ces dérives ?
Dès l’installation de notre pôle, nous avons été témoins de quelques dossiers sur lesquels soignants et établissements ont été soumis à de virulentes critiques, avec l’exacerbation des souffrances et des angoisses de personnes en état de choc. Ces situations rendent encore plus indispensable notre intervention entre les différents acteurs, familles, professionnels de santé et gestionnaires. Entre médiatisation et judiciarisation, il y a un chemin pour rétablir la confiance en renouant les fils du dialogue.
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