La lutte contre la désertification médicale

La coercition revient par la porte du Sénat

Publié le 17/01/2011
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À L’INITIATIVE du Groupe CRC-SPG (groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche), le Sénat a organisé un débat sur la démographie médicale et les risques de désertification de nouvelles zones rurales.

La discussion a confirmé l’existence de failles à l’intérieur même de la majorité présidentielle, entre les avocats de l’incitation et les partisans de la contrainte. Si les orateurs UMP (Jacques blanc et Laurent Béteille) ont plutôt vanté les vertus de l’incitation, s’en remettant aux contrats d’engagement de service public (CESP) de la loi Bachelot pour réguler les installations, Hervé Maurey, sénateur UC (Union centriste) de l’Eure a mis les pieds dans le plat de la régulation autoritaire. « On ne réglera pas le problème de la démographie médicale avec de l’incitatif », a-t-il pronostiqué avant de s’en prendre avec ironie aux volte-face du président de la République. En 2008, Nicolas Sarkozy voulait restreindre la liberté d’installation pour mieux répartir les médecins libéraux avant d’estimer en 2010 que la contrainte ne fonctionnerait pas. « Il n’est pas choquant qu’un jeune dont les études ont été payées par l’État consacre un certain temps à des missions de service public, a martelé l’élu centriste sous les applaudissements de la gauche. Cela existe dans quantité de professions, pourquoi pas les médecins ? ».

Homéopathie.

À gauche, certains enfoncent le clou. Pour Bernard Véra, sénateur CRC-SPG de l’Essonne, la situation démographique est déjà si dégradée qu’il est « indispensable de limiter l’installation dans les zones déjà pourvues ». Bernard Véra propose lui aussi de s’inspirer des mécanismes de régulation mis en place par les infirmiers (installation en zone très surdotée conditionnée au départ préalable d’un autre infirmier) et de rendre opposable le schéma régional d’organisation des soins (SROS) ambulatoire réalisé par les Agences régionales de santé (ARS). En contrepartie, Bernard Véra suggère de permettre aux spécialistes en médecine générale de percevoir toutes les majorations d’honoraires auxquelles ont droit les autres spécialistes. De son côté, Pierre-Yves Collombat, sénateur socialiste du Var, souligne que 2,6 millions de Français rencontrent des difficultés dans l’accès aux soins, « alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins en France ». Sans prôner ouvertement la mise en place de dispositions coercitives, il déplore que « toute mesure sérieuse » soit « politiquement impossible » et qu’on s’en tienne « à quelques granules homéopathiques ». « Puisqu’on est dans les déserts, a-t-il lancé, faisons appel à des ONG ! ».

De son côté Nora Berra, secrétaire d’État à la Santé, a rappelé que 200 étudiants en médecine avaient déjà signé un contrat d’engagement de service public qui leur donne droit à une bourse de 1 200 euros par mois jusqu’à la fin de leurs études, en échange de l’engagement d’exercer ensuite pour une durée équivalente dans une zone sous-médicalisée.

› H.S.R.


Source : Le Quotidien du Médecin: 8886