IL Y A de la réquisition dans l’air. Plusieurs régions (notamment la Basse- et la Haute-Normandie) peineraient à réunir des effectifs médicaux suffisants pour assurer le fonctionnement des centres de vaccination de masse, ouverts à partir de jeudi prochain dans toute la France. L’État aurait donc décidé de demander aux préfets d’organiser la réquisition des médecins libéraux. Une mesure à laquelle la Conférence nationale des présidents (CNP) d’URML a décidé de s’opposer, dénonçant « un non-sens en matière d’organisation » : selon elle, ce « procédé va pénaliser à la fois les médecins dans leur exercice, à une période épidémiologique particulièrement lourde, mais surtout les patients, qui, du coup, en cas de réquisition, trouveront la porte des cabinets médicaux close ». La CNP fait donc une contre-proposition au gouvernement : « Autoriser la vaccination dans les cabinets médicaux, la question du conditionnement du vaccin, par lot de dix doses, n’étant évidemment pas un obstacle »
Des présidents d’URML, à l’instar du Dr José Cucheval (Picardie), rappellent en effet qu’ « un cabinet de généraliste accueille en moyenne de 20 à 30 patients par jour » et que, le vaccin étant proposé à tous, dix doses devraient pouvoir être écoulées aisément, dans le créneau de péremption de vingt-quatre heures.
La question du conditionnement reste cependant plus complexe qu’il y parait, explique-t-on à l’EPRUS (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) : l’un des trois fabriquant, GSK, fournit un vaccin qui nécessite d’assembler les antigènes et les adjuvants, qui sont livrés dans des flacons séparés, par doses de 50. Certes, c’est mieux que pour les livraisons aux hôpitaux, lesquelles ont utilisé des conditionnements de 500 doses que les pharmacies hospitalières ont dû déconditionner et reconditionner précipitamment. Mais la procédure nécessite des opérations techniques qui doivent être menées avec rigueur.
Les deux autres fabriquant de vaccins adjuvantés, Novartis et Sanofi-Pasteur assurent eux-mêmes le mélange vaccinal, mais ils livrent, l’un et l’autre, par boîtes de dix flacons de dix doses. De même, Baxter fournit son vaccin par centaine de doses. Pour des raisons pharmacologiques inhérentes aux règles de traçabilité, la boite de 100 représentera donc la plus faible unité de livraison, souligne-t-on à l’EPRUS, où l’on disposera encore de seringues préremplies, mais en quantités marginales. Et l’établissement public rappelle que tout flacon ouvert ne pourra être conservé au-delà d’un délai de 24 heures au réfrigérateur.
Souplesse et adaptation.
« Même si ces modalités sont contraignantes, elles n’invalident pas notre proposition », estime le Dr Philippe Boutin, président de la CNP, qui propose que soient livrés les cabinets de groupe et que les médecins d’exercice individuel s’organisent pour programmer ensemble des après-midi de vaccination. « C’est justement sur ce terrain de la souplesse et de l’adaptation que les libéraux sont capables d’une performance irremplaçable. Non seulement ils sont en mesure de faciliter les opérations sur le plan matériel, mais surtout ils apportent une crédibilité essentielle au vaccin auprès de leurs patients. Sans les libéraux, l’objectif fixé par le ministère d’un taux de vaccination national de 73 % ne sera jamais atteint. Notre proposition se veut par conséquent une contribution réaliste au plan de la lutte contre la pandémie, en dehors de tout esprit polémique. »
La polémique cependant se développe. Dans quelques jours devraient être connus les nouveaux scores de la consultation organisée par MG France, qui enregistre une proportion élevée de médecins réfractaires à la vaccination. L’URML de La Réunion s’est par ailleurs déclarée opposée à la vaccination de masse telle qu’elle a été programmée sur l’île. Des raisons épidémiologiques l’expliquent en partie, liées à la saisonnalité grippale inversée dans l’hémisphère sud, mais cette URML s’en prend aussi à « la mise hors circuit du médecin traitant, que ce soit pour informer le public, veiller aux contre-indications et surveiller les éventuels effets indésirables ».
Dans ce contexte où de nombreux Français hésitent encore à se faire vacciner, la CSMF a aussi réagi pour dénoncer « la mauvaise gestion de ce dossier » ; elle « exige l’implication des cabinets volontaires dans la vaccination, plutôt que la réquisition ».
« Le risque d’une fracture entre les autorités de santé, les médecins et le public se dessine actuellement, s’inquiète le Dr Boutin, c’est la conséquence de la stratégie tout étatique appliquée dans le sillage de la loi HPST. Les réquisitions constitueraient un affichage catastrophique, celui d’une politique de santé publique menée sous la contrainte. Pour éviter le pire, le gouvernement doit donc se décider à faire confiance aux médecins libéraux, bien mieux à même que la technostructure d’État d’apporter un service médical efficace contre la pandémie. »
Au cabinet de Roselyne Bachelot, la perspective d’une autorisation dans les cabinets médicaux n’est pas formellement écartée, même si elle va à l’encontre des options initiales du plan Pandémie et si elle soulève des difficultés organisationnelles. Ce reniement stratégique serait en quelque sorte le prix à payer pour sortir d’une situation qui ressemble de plus en plus à une impasse.
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