C’EST UNE DES réponses du président de la République à l’échec de sa majorité aux élections régionales : le lancement d’une « grande concertation » sur les difficultés de la médecine de proximité – c’est-à-dire la médecine libérale, traduit-on à l’Élysée pour « le Quotidien ». Dans le cadre, mercredi, de sa première déclaration publique d’après second tour (lire également notre analyse politique en page 12), prenant acte du « message » envoyé à l’Élysée par les électeurs, Nicolas Sarkozy a listé quatre « sujets » dont il a estimé qu’ils ne pouvaient « plus attendre » : la « crise sans précédent de l’agriculture », le « financement de nos retraites », la « sécurité » face à « la montée de la violence » et… « la santé » donc.
« C’est un sujet de préoccupation pour chacun d’entre vous, a-t-il indiqué. Depuis trois ans, l’essentiel de nos efforts ont porté sur l’hôpital et les personnels hospitaliers. Le temps est venu d’attacher la même attention à la médecine de proximité. Je sais les difficultés auxquelles les médecins se trouvent confrontés. Une grande concertation va s’engager pour déterminer comment ces difficultés peuvent être résolues de façon structurelle. Le temps n’est pas aux rustines en la matière, mais à des décisions structurelles. » Quelques lignes dans le discours présidentiel mais qui donnent tout à coup au dossier de la médecine de ville une stature de priorité nationale. Médecine libérale, retraites, même combat !
Des précédents.
Cela fait un moment que Nicolas Sarkozy s’intéresse de près à la médecine de ville. Pour être précis, c’est même la quatrième fois en quelques semaines qu’il prend lui-même le problème en main : en janvier, lors de ses vux au monde de la santé, il avait lancé la « mission » chargée de refonder la médecine libérale et confié son pilotage au président de l’Ordre, Michel Legmann ; en février, à l’issue des Assises de la Ruralité, il avait annoncé la création de 250 nouvelles maisons de santé à l’horizon 2013 ; jeudi dernier, il avait personnellement reçu douze praticiens libéraux à l’Élysée (« le Quotidien » du 22 mars).
Le chef de l’État entend-il les messages que lui délivrent crescendo depuis le début du mois de février les syndicats médicaux en colère, généralistes en tête ? S’inquiète-t-il de la désaffection électorale du corps médical (lire ci-dessous le point de vue du directeur de l’IFOP) ? Dans son entourage, on confie que le président de la République a « une conviction personnelle sur le fait qu’il faut analyser » la situation des médecins de ville.
Sur le fond, le président n’a rien dévoilé de ses intentions. Le mystère reste entier quant à l’organisation de cette nouvelle « grande concertation ». D’autant qu’elle ne s’installera pas en terre particulièrement vierge. Depuis bientôt trois ans que Nicolas Sarkozy est aux affaires, il y a eu des états généraux de l’organisation des soins (EGOS) ; un titre entier – le numéro II – de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) s’est attaché en juillet dernier à garantir « l’accès à tous de soins de qualité », ce qui est passé par la définition des soins de premier recours, la déconcentration du numerus clausus, la création de contats santé solidarité dans les déserts médicaux, l’invention du DPC (développement professionnel continu), de nouvelles règles pour les dépassements d’honoraires… Et le rapport – au moins d’étape – du Dr Legmann sur l’avenir de la médecine libérale est attendu dans les tout prochains jours. Autant de « rustines », selon les termes de Nicolas Sarkozy lui-même ?
Aujourd’hui, au sommet de l’État, on juge en tout cas que la loi HPST était surtout hospitalière et que toutes les leçons n’ont pas été tirées des EGOS. La future concertation « pourrait êtrele prolongement de la mission Legmann », explique-t-on à l’Élysée. Les syndicats, eux, attendent de voir. « Des actes ! », demandaient-ils tous, en substance, après l’intervention de Nicolas Sarkozy. « La situation de la médecine générale impose des réponses concrètes aux exigences exprimées par les médecins généralistes », faisait valoir MG-France tandis que la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) mettait en garde le président : « Les médecins connaissent trop les promesses sans suite et les signatures sans effet. ». Le SML (Syndicat des médecins libéraux), quant à lui, défendait, sans complexe, « une revendication qu’on peut résumer par cette formule on ne peut plus claire : C = CS = 23 euros ».
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre