« On ne fera pas exercer la médecine à des praticiens avec un revolver dans le dos »

Publié le 13/04/2010
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LE QUOTIDIEN – Qu’apporte la régionalisation des données démographiques à la compréhension du système de santé ?

Dr MICHEL LEGMANN – La régionalisation est une avancée spectaculaire. Elle permet des études de plus en plus précises. Ce travail de l’Ordre colle à la nouvelle organisation territoriale prévue par la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires]. Les plus hautes autorités nous reconnaissent ce degré d’expertise. Si le président de la République nous a confié une mission [sur la refondation de la médecine libérale, NDLR] c’est parce que nous avons été les premiers à attirer l’attention sur une réalité très simple : seulement un médecin sur dix inscrits au tableau exerce en libéral.

Dix-neuf régions sur 22 enregistrent une baisse d’effectifs de médecins entre 2008 et 2009. Vous attendiez-vous à de tels résultats ?

Oui. Nous attirons l’attention sur ces questions depuis longtemps. Le message a été un peu difficile à faire passer mais les élus constatent, comme nous, ce déficit démographique. Ce travail nous plonge dans le détail de l’organisation locorégionale. Il permet de voir la réalité dans certaines régions et départements. En Picardie, il y a seulement 5 % de nouveaux inscrits dans le secteur libéral alors qu’ils sont 42 % en Corse. La région PACA a la plus forte densité médicale de France mais c’est le pourtour méditerranéen qui est prisé alors que l’arrière-pays est quasi désertique. L’Alsace n’a pas de zone déficitaire mais enregistre une baisse de 22 % des nouveaux inscrits en un an. Chaque région de France sera en possession de cet outil. Les ARS [agences régionales de santé] sont impatientes d’avoir ces documents pour s’organiser.

De plus en plus de médecins retraités, de moins en moins de praticiens actifs : le travail de l’Ordre permettra-t-il d’affiner la répartition des postes d’internat ?

Tout à fait. Nous sommes présents dans la commission du post-internat avec l’Observatoire national de la démographie des professions de santé [ONDPS] et le ministère de la Santé. Nous travaillons avec eux pour résoudre la question des internes qui font leur internat dans une région et qui la quittent dès leur formation terminée. Il faudra certainement envisager dans les prochaines années des mesures incitatives pour les garder dans leur région de formation au moins pendant quelques années. De même devrons-nous travailler aux pistes permettant aux médecins retraités – ils sont 6 500 – de reprendre une activité.

Quels autres enseignements tirez-vous de ce travail ?

Une donnée joue un rôle dans la gravité de la situation, c’est le nombre de cabinets qui ferment chaque année sans trouver de successeur. En Ariège, 18 cabinets ont fermé sans remplacement du médecin. Ce problème est très sérieux. Entre 2008 et 2009, 9 cabinets ont fermé en Corrèze, 12 dans l’Eure, 13 dans le Jura, 11 en Loir-et-Cher, 17 dans la Loire, 17 en Saône-et-Loire. Ces informations sont fondamentales. Tout le monde doit prendre ce problème à bras-le-corps pour trouver des solutions. Parce qu’on ne fera pas exercer la médecine à des praticiens avec un revolver dans le dos.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CH. G.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8749