À peine nommée, le Pr Agnès Buzyn, nouvelle ministre de la Santé, devra rendre rapidement des arbitrages sur des dossiers sensibles qui concernent le rétablissement de la confiance avec la médecine libérale (quid du tiers payant généralisé ?), la gouvernance de l'hôpital, les déficits des comptes sociaux ou encore l'avenir des futurs contrats des complémentaires. Tour d'horizon.
• Sécu : ligne rouge
Le chantier immédiat concerne le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 – qui se construit dès juin. Si Marisol Touraine s'est réjouie un peu vite d'avoir supprimé le déficit du régime général (400 millions d'euros en 2017), ce résultat est trompeur et la branche maladie fragile (- 2,6 milliards d'euros). La feuille de route est fixée : Emmanuel Macron a promis de réaliser 15 milliards d'euros sur l'assurance-maladie en cinq ans sans dérembourser de soins utiles, ni supprimer de postes de soignants, tout en améliorant les conditions de travail des professionnels. Équation compliquée. Si l'on se fie aux promesses du candidat Macron, le gouvernement devrait présenter un objectif national de dépenses maladie (ONDAM) pluriannuel à 2,3 % (2018/2022), gage de visibilité. Mais les arbitrages définitifs dépendront aussi des résultats de l'audit estival des finances publiques, alors que les revendications fleurissent déjà en ville comme à l'hôpital. Bruxelles a mis en garde la France sur la ligne rouge à ne pas franchir en matière de déficit public (3 % du PIB).
• Complémentaires : la lisibilité, à quel prix ?
Le projet d'Emmanuel Macron d'instaurer trois nouveaux contrats types de complémentaire santé pour stimuler la concurrence et accroître la transparence mérite de nombreuses clarifications et, sans doute, une très longue concertation. Quel sera le contenu de ces offres ainsi calibrées ? Les professionnels de santé seront-ils associés à cette remise à plat ? Le risque de renforcer le marché des surcomplémentaires n'est-il pas immédiat ? L'objectif spectaculaire de parvenir à un reste à charge zéro dans l'optique, le dentaire et l'audioprothèse à l'horizon du quinquennat suppose des transferts massifs de dépenses et une nouvelle gestion du risque mieux partagée entre le régime obligatoire et les complémentaires santé.
• Hôpitaux : urgence budgétaire
Si Marisol Touraine quitte le ministère de la Santé sans avoir provoqué de crise hospitalière majeure, le feu couve. L'ensemble des intersyndicats de PH jugent urgent de construire un nouveau projet attractif pour les carrières hospitalières afin de fidéliser des praticiens tentés vers le secteur privé lucratif. Il faudra aussi revoir le financement de l'hôpital en accentuant la réforme de la tarification à l'activité (T2A), dont tous les experts soulignent les limites dans une logique de médecine de parcours et de prise en charge des patients chroniques. Surtout, la question des moyens risque de resurgir rapidement. La conférence des directeurs généraux de CHU alerte le nouveau président sur une campagne budgétaire jugée « intenable » cette année. Les 32 CHU réclament en urgence une « renégociation » de leur ONDAM hospitalier (2,1 % en 2017), au risque de ne pas pouvoir assurer leurs missions de santé publique.... Lasse des injonctions contradictoires, la FHF réclame une sobriété législative.
• Médecine libérale : le tiers payant, et maintenant ?
Là encore, aucun répit. Les syndicats réclament un investissement massif sur les soins de ville afin de concrétiser, au-delà des slogans, le virage ambulatoire. Si la loi de santé a fixé un cadre (équipes de soins primaires, communautés professionnelles territoriales de santé), il manque les moyens organisationnels, financiers et numériques pour rééquilibrer le système de santé au profit du secteur libéral. La ministre devra envoyer des signaux forts pour soutenir la médecine de ville (générale et spécialisée), bien au-delà de la promesse de 1 000 maisons de santé supplémentaires, qui ne sauraient demeurer le modèle uniforme. La problématique de la démographie médicale reviendra sur le tapis avec plusieurs arbitrages : le maintien ou non du numerus clausus, le contenu de la formation médicale initiale, la réforme du troisième cycle (dont les internes demandent le report) ou la mise en place de pratiques avancées et nouveaux métiers de la santé.
Sujet ultrasensible, la généralisation du tiers payant à l'ensemble des assurés sociaux en novembre devra être tranchée. Emmanuel Macron a envisagé un tiers payant « généralisable », sans impératif pour les médecins. Une évaluation de la dispense d'avance de frais telle qu'elle existe aujourd'hui (pour les patients à 100 %) devrait être réalisée avant toute décision.
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