Généraliste, neurologue, chirurgien viscéral et digestif mais aussi ostéopathe, diététicien, psychologue… : une dizaine de premiers professionnels – et leurs patients – ont pris possession des locaux rutilants de 1300 m2, dont le design épuré rappelle les espaces de coworking convoités des start-up. Situé au cœur du 10e arrondissement de Marseille, le premier établissement pilote « Well Place », une ancienne maison de retraite rénovée et entourée d’un vaste jardin, a ouvert ses portes mi-septembre.
Ni hôpital, ni cabinet libéral, ni maison de santé : les fondateurs du concept voient grand en tout cas, avec l'ambition d’ici à quelques mois de fédérer une centaine de praticiens – chirurgiens, cardiologues, gynécologues, dermatologues… – et autres thérapeutes afin d’accueillir « 600 à 800 patients par jour », sur rendez-vous, 6 jours sur 7. « Nous visons 25 spécialités réparties sur 38 cabinets, dont cinq à six de médecine générale, et souhaitons permettre aux patients d’avoir un parcours de soins complet », avance Michaël Solal, un des cofondateurs. Les profils de soignants recherchés ? Le primo installant dans la région, des professionnels en quête d'un deuxième lieu de consultation ou qui aspirent à changer leur mode d’exercice… Quant au nombre de jours de vacations, il se veut « à la carte » – de la demi-journée par semaine aux cinq jours en cabinet. Les créneaux proposés vont de 7h à 21h.
Contrat de services
Sur place, au calme du quartier résidentiel, la Dr Anne-Sophie Pradat, 27 ans, médecin généraliste, peaufine son arrivée prévue le 3 octobre. « J’avais envie de m’installer pour avoir davantage de suivi avec les patients mais cela me faisait peur », raconte la jeune femme, qui effectue des remplacements depuis la fin de son internat. « Je voulais absolument travailler en équipe et j’ai été attirée par cet exercice à la carte où l’on choisit le nombre de jours de travail et nos congés », poursuit-elle, « rassurée par l'accompagnement dans les démarches administratives ». Elle a opté pour deux jours de vacation par semaine afin de continuer à assurer des permanences médicales.
Le « contrat de services » signé avec Well Place fonctionne comme un abonnement, à durée indéterminée mais sans engagement, modifiable et résiliable avec un mois de préavis. Équipements, (télé)secrétariat, service de comptabilité, logiciel de gestion : « le praticien dit ce dont il a besoin pour travailler et on le lui met à disposition », résume Michaël Solal. De fait, les tarifs exigés ne sont pas des loyers mais des prestations de services calculés à la carte, sur la base de plusieurs critères (jours de présence, vacances, matériel, type de salles). Par exemple : un praticien prenant une vacation par semaine, profitant de huit semaines de vacances annuelles, paiera environ 500€ HT par mois, incluant les frais inhérents à son activité : salle, équipements, consommables, Doctolib, bionettoyage, Dasri, équipes sur place, accueil, parking, domiciliation ou sécurité. « Un écosystème de consultation clé en main, communautaire et entièrement dédié au bien-être des praticiens », vante la page d'accueil du site.
Les recettes du tertiaire
Un espace, la « well community », est dédié aux blouses blanches. Il comprend cuisine équipée, vestiaires, salle de réunion et terrasse, privatisable. Une cheffe de projets de santé, passée par l’AP-HM, a rejoint l’équipe de neuf personnes. « Nous avons cherché à appliquer les bonnes recettes du tertiaire à l’environnement médical », assume Michaël Solal.
De fait, les trois cofondateurs – âgés de 55, 44 et 41 ans – viennent du monde de l’entreprise et du digital. Laurent Dahan, son président, a créé la société Wiko, une marque de smartphone, en 2011. Vincent Eriani, directeur technologies et bâtiments de Well Place, travaillait à ses côtés. Il connaissait Michaël Solal, lui-même entrepreneur, qui occupe désormais les fonctions de directeur marketing, commercial, santé. Ils ont investi plusieurs millions sur fonds propres (mais refusent de communiquer le montant exact) dans ce projet entamé à Marseille, leur ville natale et de cœur, il y a un an et demi. En 2020, ils ont déniché cette bâtisse dans une zone en plein développement, accessible en voiture et en transports en commun, à proximité d’un laboratoire d’analyses médicales et d’une pharmacie.
200 entretiens préparatoires
En parallèle, ils déclarent avoir conduit plus de 200 entretiens auprès de praticiens de la région pour tester le concept. « On a constaté leurs frustrations liées à la qualité de vie au travail, à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle et à l’isolement lorsqu’ils exercent en libéral, explique Michaël Solal. Ils veulent s’inscrire dans un collectif et rester maîtres à bord ». Le pari est donc d'attirer les praticiens en leur fournissant des locaux équipés, flexibles et des conditions d'exercice optimales : en maison de santé comme dans les cabinets de ville, « les praticiens libéraux doivent être à la fois entrepreneurs, gestionnaires et soignants, c’est un exercice très compliqué », analyse le dirigeant d’entreprise.
Sans surprise, le numérique est présent à tous les niveaux. Une borne interactive d’enregistrement oriente les patients dans le bâtiment de trois étages. Dans le salon d’attente, des portraits vidéos des praticiens sont diffusés… sur grand écran, une fiche avec leurs tarifs défile en simultané sur une tablette et un QR Code permet d’être redirigé vers leur page Doctolib. La Dr Pradat résume : « C’est un endroit très innovant pour nous et aussi pour les patients ». Si la mayonnaise prend à Marseille, le concept pourrait s'étendre dans la région.
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