Patients chroniques sans médecin traitant : la Cnam généralise son dispositif d'appels… et mise sur le volontariat des généralistes

Par
Publié le 11/04/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

À peine lancé déjà étendu. Annoncé mi-mars par le ministre de la Santé, le dispositif « d'aller vers » qui vise à proposer une solution à chaque patient en ALD sans médecin traitant – système déjà testé dans le Val-de-Marne – va être généralisé. « On va chercher les patients et on va chercher les médecins et on essaie de trouver des solutions au cas par cas pour l'ensemble de la population d'ici à la fin de l'année », explique Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam, interrogée lundi par Franceinfo. C'est donc l'expérience lancée par François Braun à Créteil, il y a quelques semaines, qui va faire école.  

Concrètement, depuis lundi, les caisses primaires sont chargées de contacter par mail ou par courrier les malades chroniques privés de médecin traitant, soit près de 714 000 personnes. Les caisses vont ensuite solliciter, au cas par cas, les généralistes qui auront vu un même patient « au moins trois fois dans l’année » pour leur proposer de devenir le médecin de référence.

L'ensemble des départements seront donc mobilisés. Si rien n'est fait, « on sera à 800 000 patients chroniques sans médecin traitant d'ici la fin de l'année donc il est urgent d'inverser la tendance », assume l'adjointe du DG de la Cnam, Thomas Fatôme. « Les patients chroniques sont les patients pour lesquels c'est le plus important notamment ceux avec des maladies cardiovasculaires, les diabétiques, ceux qui ont des affections psychiatriques de longue durée, ou encore les personnes atteintes de cancers. Pour ces patients-là, il faut un suivi continu », insiste-t-elle.  

Démarche non obligatoire 

Érigé en priorité depuis les vœux d'Emmanuel Macron aux soignants en janvier, ce plan devra convaincre les syndicats de médecins libéraux dont MG France qui avait dénoncé en mars un vœu « incantatoire », une « posture gouvernementale », basée sur un « management punitif ». De fait, la première réunion organisée le 3 avril par la Cnam – rassemblant syndicats, Ordre, CMG, ministère, élus et représentants des patients – a confirmé les réticences de la profession. La FMF décrit sur son site « une réunion hors sol », où « l'on demande toujours plus aux médecins libéraux, sans rien leur donner en échange, et surtout pas des moyens ou de reconnaissance ». Toujours selon ce syndicat, François Braun a pourtant exprimé sa volonté de majorer la consultation de déclaration MT dans le règlement arbitral mais sans dire les « deux points fondamentaux : combien et quand ? ».

La généralisation de ce dispositif peut-elle convaincre les praticiens de terrain, dans un contexte de pénurie médicale et d'agendas surchargés ? Le débat lancé sur notre site traduit une forme d'exaspération. « J'ai déjà une patientèle de 3 000 patients dont plus de 350 en ALD, là je ne peux plus », exprime l'un. « On arrive à des patientèles de plus de 2 000 personnes, il devient impossible de faire plus, soupire un autre. Nous avons fait notre part du "donnant", nous attendons le "donnant" de nos autorités en retour, c'est ça le "donnant-donnant" ». Pour un troisième, « la Sécu doit pour l'instant se faire oublier et ne pas vouloir forcer la main des praticiens ».

Difficultés structurelles

La caisse mesure ces difficultés mais reste ferme sur l'objectif. Marguerite Cazeneuve rappelle que cette démarche nécessaire restera « basée sur le volontariat » des médecins. Les praticiens « qui – pour certains – ont déjà des patientèles pleines à craquer » sont donc « libres » de répondre à la demande de l'Assurance-maladie. La Sécu confirme au passage sa stratégie consistant à libérer du temps médical, via l'aide conventionnelle au recrutement des assistants médicaux par exemple avec l'objectif de 10 000 assistants médicaux en 2025. 

Les jeunes médecins ont de leur côté affiché leur mécontentement sur la méthode. Non conviés lors de la réunion avec toutes les parties concernées, ReAGJIR et Jeunes Médecins regrettent d'avoir été écartés alors qu'ils sont en première ligne. « Ceux qui créent ou reprennent une activité de médecin généraliste traitant sont justement les plus à même d’accepter de nouveaux patients, a fortiori lorsqu’ils sont en ALD », écrivent-ils. Et d'ajouter que « les réflexions autour de l’accès aux soins, enjeu crucial de notre système de santé, ne pourront pas se faire sans nous ».


Source : lequotidiendumedecin.fr