Depuis plusieurs semaines, la question de la liberté d'installation ne quitte pas le débat public. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est le dernier acteur du secteur à se positionner. Saisie par des pétitions citoyennes, l'instance a rendu ce mercredi un avis complet comportant dix préconisations « qui ont vocation à compléter le plan ministériel contre les déserts médicaux par des mesures nouvelles ».
Parmi ces mesures, on retrouve une nouvelle fois… le conventionnement sélectif à l'installation, mais sous une forme différente. Sans remettre en cause formellement la liberté d'installation, le CESE estime que le conventionnement sélectif est « une mesure désincitative [qui] pourrait être mise en œuvre ». Il préconise concrètement la régulation à l'installation des spécialistes de secteur II dans les zones surdotées, en conditionnant « leur conventionnement à la réalisation de consultations avancées régulières en zones sous denses ». « Une telle régulation des conventionnements dans les zones surdenses s'applique déjà à certaines professions de santé comme les infirmiers sans parler des contraintes à l'installation pensant sur les pharmaciens », motive l'instance.
Agnès Buzyn a aussitôt écarté toute forme de conventionnement sélectif et rappelé que le gouvernement privilégiait les mesures incitatives.
Supprimer les aides à effet d'aubaine excessif
Parallèlement, le CESE suggère au gouvernement de prévoir des aides financières pour augmenter le temps médical disponible dans les territoires déficitaires. Destinées cette fois aux médecins de secteur I, majoritairement des généralistes, ces aides leur permettront d'embaucher une secrétaire médicale. « Ces aides pourraient prendre la forme d'une exonération totale des cotisations versées à l'URSSAF », avance le CESE.
Autre levier préconisé : rendre plus attractif le cumul emploi retraite. Comment ? En demandant à l'assurance-maladie de financer « temporairement la totalité de l'ASV des médecins de secteur 1 (au lieu des deux tiers, NDLR) ».
Cette mesure à « effet immédiat et facile » s'ajouterait au relèvement du plafond de revenu annuel (11 500 euros à 40 000 euros) en deçà duquel les médecins peuvent demander à être dispensés de cotiser au régime prestation complémentaire vieillesse (PCV), prévu dans le plan gouvernemental sur les déserts médicaux. Pour financer ces aides, le CESE suggère de mieux cibler les incitations existantes pour « supprimer celles qui sont porteuses d'un effet d'aubaine excessif ».
Dans son avis, le CESE évoque d'autres leviers : faciliter la coopération des professionnels de santé, promouvoir la médecine ambulatoire en augmentant les terrains de stage (et en assurant dans les zones sous-denses la prise en charge du logement et du transport des stagiaires internes de médecine générale), doper les pratiques avancées (développer les nouveaux métiers en santé de niveau intermédiaire) ou encore la télémédecine. Sur ce dernier point, le CESE plaide pour la création de « mécanismes innovants de rémunération forfaitaire et transversale », « en finançant ces nouvelles dépenses par une baisse du nombre, voire des tarifs, des séjours hospitaliers, des consultations et des transports sanitaires auxquels la télémédecine peut se substituer ».
La CSMF a aussitôt déploré « le recours à de vieilles recettes éculées sur la régulation de l’installation et le conventionnement sélectif ». Selon le syndicat, « cela prouve que le CESE n’a pas pris toute la mesure du problème ».
Offensive au Parlement
L'offensive sur le conventionnement sélectif se passe aussi au Parlement. Après leur offensive avortée au cours du vote du budget de la Sécu 2018 (PLFSS), vingt-huit députés du groupe Nouvelle Gauche et apparentés ont déposé au début du mois de décembre une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux.
Examiné le 10 janvier prochain en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ce texte comporte deux mesures : le conventionnement sélectif imposé aux médecins dans les zones surdotées (une installation pour un départ) et l'application du tiers payant dans les structures à exercice collectif (maisons et centres de santé).
Interpellée le 6 décembre lors de la séance de questions au gouvernement par Guillaume Garot, député de la Mayenne (Nouvelle Gauche), l'un des signataires de la proposition de loi, Agnès Buzyn est de nouveau montée au créneau pour défendre la liberté d'installation.
Aussitôt la proposition des députés connue, le SML s'est dit « attristé par un tel dogmatisme antilibéral qui n’hésiterait pas à transformer la médecine libérale en goulag pour les prochaines générations de médecins ».
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