ATTENDU DEPUIS la dernière loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS 2011), le décret paru le 21 mai au « Journal officiel » modifie le mécanisme de mise sous entente préalable instaurée en 2006 pour les arrêts de travail puis étendue aux transports et à la kinésithérapie. A compter du 1er juin, l’assurance-maladie pourra proposer directement aux médecins visés d’atteindre un « objectif de réduction des prescriptions » dans un délai maximum de 4 à 6 mois.
Concrètement, lorsqu’un directeur de caisse primaire constatera qu’un praticien prescrit des volumes nettements supérieurs de transports, d’Indemnités journalières ou « d’un acte, produit ou prestation » que la moyenne régionale ou départementale, il pourra proposer au médecin un objectif de réduction de ses prescriptions. Une façon de négocier avant de punir. Le directeur de la CPAM effectuera alors, avec le médecin-conseil chef du service compétent, une proposition notifiée au praticien. Cette proposition précisera l’objectif de réduction des prescriptions, le délai imparti – entre 4 et 6 mois – pour atteindre cet objectif et le montant maximum de la pénalité encourue en cas de dépassement de ce dernier.
Si le médecin accepte la proposition, un praticien conseil sera chargé de son suivi personnalisé. Au moins un entretien sera réalisé à mi-parcours sur l’évolution de la pratique du prescripteur. Au terme de la période fixée pour atteindre l’objectif, le directeur informera le praticien du succes de cette opéraion... ou de son échec. Dans le second cas, le directeur de la caisse pourra saisir la commission des pénalités qui rendra alors un avis sur la nécessité et la durée de la mise sous accord préalable. S’il décide de poursuivre la procédure, le directeur de la CPAM devra en référer au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) qui jugera en dernier recours de subordonner ou non à l’accord préalable les prescriptions du médecin.
« Délit statistique ».
Le praticien qui n’atteindra pas ses objectifs pourra se voir infliger une amende dont le montant pourra atteindre un maximum de deux fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, soit 5 892 euros. Ce dispositif d’objectif de réduction de prescription est accueilli diversement par les médecins. « C’est un assouplissement mais un petit assouplissement, commente le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Nous restons fermement opposés à la notion de délit statistique qui permet par exemple de reprocher à un praticien un trop grand nombre d’arrêts de travail sans se fonder sur la pertinence de leur prescription. » Le Dr Claude Bronner, coprésident d’Union Généraliste, voit dans la révision de la mise sous entente préalable une inflexion de la direction de l’assurance-maladie. « À force de voir les médecins taper sur la table, les pouvoirs publics se sont rendu compte qu’il fallait modifier les choses », dit-il. Le texte crée un nouveau palier dans les procédures en proposant aux médecins de les accompagner. Il prévoit également qu’en cas de désaccord de la commission des pénalités avec le directeur de la CPAM, l’UNCAM sera saisi. « Ce texte est un obstacle à l’arbitraire des caisses », juge le Dr Bronner. Seul bémol, selon le dirigeant d’Union Généraliste, la caisse décidera seule des moyennes de référence, sans concertation avec les professionnels.
Le Dr Claude Leicher, président de MG-France, estime quant à lui que l’État met la pression sur l’ensemble des prescripteurs alors qu’il suffirait de demander des explications à quelques-uns. « Ce dispositif renforce l’idée que le délit statistique est une bonne chose, analyse le Dr Leicher. Je comprends la volonté de maîtriser les dépassements mais en cherchant les écarts à la moyenne, on ne s’intéresse pas à la qualité. Les pouvoirs publics n’ont pas confiance dans les médecins généralistes alors qu’ils devraient investir dans les soins de premier recours. »
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