Blouses blanches

Soignants en souffrance : l'heure des solutions ?

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Publié le 09/12/2022
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Le récent colloque de l'association SPS a mis en avant des actions concrètes pour soutenir et orienter les professionnels vulnérables. Le gouvernement promet une stratégie d'amélioration de la santé des soignants.

Crédit photo : garo phanie

« Si les professionnels de santé vont mal, c'est tout le système qui est malade », a reconnu Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée en charge de l'organisation territoriale et des professions de santé, invitée du 8e colloque de l'association SPS (soins aux professionnels de la santé).    

Selon cette organisation reconnue d'intérêt général, la plateforme d'écoute ouverte 24 h/24, où les soignants peuvent contacter des psychologues cliniciens, a enregistré plus de 20 000 appels en six ans dont 15 000 depuis mars 2020, preuve de l'effet délétère de la pandémie sur le moral des blouses blanchesDans le détail, 15 % des appels proviennent de médecins, 15 % d'infirmiers et 15 % d'aides soignants mais tous les métiers du soin sont concernés. 

Saisine directe pour la ville 

Face à la perte de sens des métiers de santé, le ministère promet aujourd'hui « des réponses structurelles ». Une « stratégie d'amélioration de la santé des soignants » est en préparation dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) notamment pour « développer une image positive des métiers et restaurer leur attractivité ». 

Agnès Firmin Le Bodo entend agir sans délai contre les violences physiques et verbales que subissent les blouses blanches. Dès janvier 2023, une plateforme en ligne sera accessible aux libéraux pour signaler les « événements sanitaires indésirables » à l'observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). Un mode de saisine directe y sera proposé aux médecins de ville, là où seuls les utilisateurs en établissement de santé pouvaient déclarer. « J'ai aussi mobilisé les hôpitaux, les Ordres et les forces de sécurité pour accompagner les professionnels face à ces violences », promet-elle. 

Une cellule d'écoute par CPTS ?

Les soignants eux-mêmes se retroussent les manches. SPS a créé 12 unités dédiées, un peu partout en France, pour soutenir les professionnels vulnérables. Des journées d’ateliers dynamiques et d’échanges (JADES) autour de la prévention en santé sont aussi organisées. Le prochain objectif est de « régionaliser » les actions de soutien. « Tout soignant qui appelle la plateforme devrait pouvoir trouver sur son territoire un psychologue, un médecin formé, un psychiatre pour l'aider dans la journée », avance le Dr Éric Henry, généraliste et président de SPS. L'association souhaite bâtir un partenariat avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour créer au sein de chaque collectif de libéraux « une cellule d'écoute pour prendre en charge le soignant dans la journée ».

D'autres initiatives existent, cette fois dans les hôpitaux. Au pôle des neurosciences cliniques du CHU de Bordeaux, la Dr Marie Floccia, cheffe de service douleur, mise sur la « médecine intégrative », qui combine traitements conventionnels et médecines complémentaires. La PU-PH a formé 1 500 soignants autour de l'hypnose clinique et thérapeutique. « Nous avons fait des études qui ont démontré que les professionnels qui l'utilisent ont une meilleure satisfaction au travail et moins de burn-out que les autres », explique-t-elle. Depuis 2017, 150 médecins ont aussi bénéficié d'un cycle court de formation à la méditation de pleine conscience. « Cinq ans après, la moitié continue à la pratiquer régulièrement dans la semaine, dévoile la Dr Floccia. Tous disent que cela leur permet d'augmenter l'attention aux patients. En régulant leurs émotions, les soignants s'épuisent beaucoup moins vite ». 

À Levallois (Hauts-de-Seine), le Dr Alain Toledano, cancérologue et président de l'Institut Rafaël promeut le travail transdisciplinaire entre médecins, paramédicaux et autres professionnels (nutrition, activité physique) afin de permettre aux équipes de retrouver le sens de l'exercice et le lien avec le patient. L'approche est centrée sur l’individu plutôt que sur ses pathologies. « La fragilité vient du fait qu’on ne prend pas plaisir au travail, résume-t-il. Le projet d'épanouissement personnel dépend d'un projet collectif dans lequel on s'inscrit. Aujourd'hui, il y a une erreur d'aiguillage : on s'engage à soigner les gens mais on vit dans une industrie qui traite la maladie. » 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin