Le Dr Julien Blain, médecin généraliste du Val-d'Oise, devait comparaître ce mercredi devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Pontoise dans une affaire qui l'oppose à sa caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM).
Les raisons de ce contentieux ? Un nombre jugé beaucoup trop élevé de mentions non substituable (NS) sur ses prescriptions (68 % contre 5,4 % de moyenne nationale sur la période du 1er septembre au 31 décembre 2013) – comportement qui lui a valu une pénalité de 400 euros de sa caisse. Refusant de payer cette amende, le médecin se retrouvait donc aujourd'hui devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS).
« Je ne commets aucune faute, plaide le Dr Blain, devenu pourfendeur des génériques. Après avoir prescrit des génériques pendant près de 10 ans, je constate que tous sont moins efficaces que les princeps, au point que neuf de mes patients ont failli mourir. »
Arguments comptables
Le praticien considère son procès comme une « atteinte » à l'indépendance professionnelle, à la liberté de prescription et le qualifie même de « politique ». « Dans aucun texte de loi, il n'est écrit que le médecin ne doit pas dépasser un pourcentage de mention "non substituable", et les princeps sont légalement en vente, écrit-il. Mais à chaque fois qu'un médecin écrit "non substituable", il s'oppose à la politique du gouvernement et empêche les laboratoires génériques de gagner de l'argent. »
Selon le code de santé publique, la mention NS doit être justifiée pour une raison tenant au patient. « Oui, chaque patient est unique, aucun médecin ne peut prédire si un patient ne fera pas une endocardite après prescription d'un générique d'antibiotique pour une bronchite, avec remplacement d'une valve. Je l'ai vu deux fois, et bonjour le coût », assure le Dr Blain.
Il épingle au passage les médecins-conseils des caisses qui « n'examinent pas les patients mais se permettent de juger » les prescriptions, « alors qu'ils n'en ont aucune légitimité médicale », assène le généraliste. « Ils raisonnent en arguments comptables et statistiques, comme leur demande le ministère de la Santé », conclut-il.
Prescrire en DCI
Il y a quelques jours, la Cour de cassation a jugé dans une affaire similaire que le recours à une prescription assortie de la mention non substituable doit être « dûment » justifié par le médecin prescripteur lui-même. L'affaire opposait cette fois un généraliste de l'Eure à sa CPAM – qui lui demandait 1 500 euros de pénalités pour un recours abusif à cette mention NS.
En charge de la cellule juridique de la FMF, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp soutient le Dr Blain dans son combat pour la liberté de prescription. « Dans les faits, le médecin peut souvent justifier cette mention écrite [non substituable]. Il ne faudrait pas croire que, derrière, c'est le patient qui l'a dictée au médecin », analyse le Dr Garrigou-Grandchamp. Ces derniers jours, il a reçu une petite dizaine de retours de médecins dans la même situation « mais il y en a sûrement beaucoup plus ».
« Pour éviter ce genre de problème, je conseille aux médecins de prescrire en dénomination commune internationale (DCI), et ensuite cela se passe entre le patient et le pharmacien », suggère le syndicaliste. MG France réclame la fin de la mention « non substituable », dont la fréquence sur les ordonnances était en moyenne de 8 % sur l’année 2016. L'an dernier, une action d’accompagnement ciblée sur l’utilisation du NS a été engagée par la CNAM afin d'en limiter le recours aux seules situations médicales qui le justifient.
MISE À JOUR du 28/06 : l'audience du Dr Julien Blain est finalement reportée au 2 octobre prochain, toujours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pontoise.
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