CINQUANTE-HUIT patients au total, opérés des lombaires ou des cervicales entre janvier 1988 et mai 1993, dans ce célèbre établissement parisien, ont été contaminés par Mycobacterium xenopi, responsable d’une infection de la colonne vertébrale qui s’apparente à une tuberculose osseuse pouvant conduire à la paraplégie. L’alerte a été donnée par le directeur de la clinique en 1997, la Direction générale de la santé ayant été avisée dès 1993 du premier cas de contamination avérée. L’enquête au long cours menée pendant douze ans a mis en évidence des dysfonctionnements dans les procédures de stérilisation de matériel chirurgical : des kits à usage unique auraient été réemployés et, entre deux interventions, les instruments étaient rincés à l’eau courante. Une eau où devait être retrouvé M. xenopi. Cinq prévenus comparaissent devant la 31 e chambre correctionnelle du tribunal de Paris jusqu’au 28 octobre. Outre le responsable administratif, Pascal Bernard, et un biologiste, Pascal Jonte, il s’agit de trois médecins, le Dr Pierre Sagnet, directeur de la clinique, et deux chirurgiens, les Drs Didier Bornert et Patrick Béraud, tous trois répondant des accusations de « blessures involontaires », « tromperies » et « complicité ». Des accusations entièrement récusées par les intéressés qui « ne doutent pas, assure Me Olivier Leclere, avocat du Dr Segnet, de sortir la tête haute de toute cette histoire. Au regard des connaissances et des pratiques de l’époque, argumente-t-il, toutes les précautions sanitaires ont été prises ». Pour l’avocat du Dr Bornert, Me Xavier Flécheux, « un chirurgien peut-il être tenu pour responsable de la qualité du réseau d’eau de la clinique qui l’emploie ? Non, affirme-t-il , à l’évidence. »
Les médecins s’étonnent encore du paradoxe qui les conduit à être poursuivis à titre individuel, alors que la clinique, pourtant personne morale organisatrice du protocole sanitaire, ne se trouve nullement inquiétée.
Un avant et un après.
Pour Alain-Michel Ceretti, époux de l’une des victimes, Béatrice, et fondateur du LIEN, l’association qui est devenue le fer de lance de la bataille contre les infections contractées en milieu hospitalier, « ce procès ne saurait être celui de la médecine en général, ni celui de la médecine libérale en particulier, mais celui de la délinquance commise en blouse blanche par des personnes avant tout soucieuses de réaliser des profits. »
L’affaire de la Clinique du Sport aura, quoi qu’il en soit, constitué le plus retentissant scandale français en matière de maladies nosocomiales. « Il y a un avant et un après Clinique du Sport , estime M. Ceretti, chargé depuis le 1 er janvier de diriger le nouveau pôle Médecine et Sécurité auprès du Médiateur de la République. La mise en lumière de ces dysfonctionnements a abouti à l’adoption de la loi du 30 décembre 2002 qui reconnaît le droit à l’indeminisation des victimes d’accidents médicaux et d’infections nosocomiales. Elle est également à l’origine de la création descComités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), désormais installés dans chaque établissement.
Grâce à ces nouveaux dispositifs réglementaires, « une affaire semblable ne saurait se renouveler aujourd’hui », estime le président du LIEN, tout en considérant que « l’intérêt et la sécurité du patient nécessitent davantage de moyens. Dans cette perspective, la justice devra se garder de jeter l’opprobre sur la profession médicale, sans perdre de vue cependant qu’un jugement clément serait perçu par les victimes comme un affront. »
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