DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA PILULE contragestive RU486 ne sera pas vendue dans les pharmacies italiennes. La décision a été adoptée jeudi dernier par le Sénat et entérinée au pas de charge vendredi matin par le gouvernement Berlusconi durant le Conseil des ministres. Seule dérogation possible : l’administration dans le cadre d’une hospitalisation.
C’est ce qu’avait prévu en juillet dernier l’agence italienne du médicament (AIFA), lorsqu’elle avait donné son feu vert à la commercialisation de ce produit. Mais l’AIFA n’avait pas spécifié ce qu’elle entendait par « hospitalisation ». Du coup, il pouvait s’agir d’une simple hospitalisation de jour avec la possibilité pour la patiente de rentrer chez elle immédiatement après avoir pris le produit. Après la décision du Sénat puis du gouvernement, le ministre de la Santé Maurizio Sacconi a tranché : les Italiennes devront rester dans le circuit hospitalier jusqu’au moment de l’expulsion de l’embryon, 48 heures plus tard en principe.
Du côté des médecins et des directeurs généraux des centres régionaux de la sécurité sociale italienne, on est sceptique. « En premier lieu, on ne peut pas obliger une personne à rester dans un hôpital sans son contentement. Par ailleurs, il y a la question des coûts, qui constitue un problème important, notamment en raison de la situation déplorable de la Sécurité sociale italienne », note le Dr Marco Macrì. Selon ce gynécologue qui travaille aux urgences de l’hôpital Vannini, situé au cur de la banlieue romaine, le secteur public a déjà du mal à assurer le quotidien. « Par manque de lits dans les services, nous nous retrouvons avec des malades parqués pendant plusieurs jours dans les couloirs des urgences ! Comment allons-nous donc gérer cette nouvelle situation », s’interroge le spécialiste.
Mais le ministre de la Santé italien survole les questions des blouses blanches et des économistes régionaux de la Sécurité sociale. Il vient d’ailleurs de demander « à ce que le personnel sanitaire observe attentivement les différentes étapes du parcours abortif non seulement pour réduire les réactions d’intolérances mais aussi pour constater l’application de la loi ».
Un signal anti-avortement.
La décision des institutions italiennes a suscité la colère de l’opposition et, surtout, de l’AIFA, qui a déjà consulté son armada d’avocats pour contre-attaquer. Mais la bataille qui devrait se jouer sur le terrain légal s’annonce délicate et pleine de traquenards, le gouvernement n’ayant pas, pour des raisons purement politiques, l’intention de reculer. Alors que l’exécutif Berlusconi nage dans des eaux troubles et que son capital sympathie est en baisse, selon les derniers sondages, contrarier l’électorat catholique et se mettre à dos le Vatican serait une erreur politique.
Tandis que l’opposition tonne contre une « décision insensée prise sur le dos des femmes pour lancer un signal anti-avortement avant de proposer l’abolition de la loi sur l’interruption de grossesse », les blouses blanches montent au créneau. « Demander aux médecins d’obliger une femme à rester dans un hôpital pour subir un traitement qui nécessite une hospitalisation de jour viole la déontologie et détruit l’organisation des services hospitaliers », s’insurge Massimo Cozza secrétaire nationale du premier syndicat de médecins, la CGIL Medici. « Sur le plan psychologique, l’impact du RU486 est moindre que celui d’une interruption de grossesse chirurgicale. Cette décision est inacceptable pour les femmes qui sont les victimes d’une opération politique », synthétise le Dr Licia Collanero.
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