Rémunération sur objectifs de santé publique

Bons et mauvais points de la Rosp avant inventaire

Par
Publié le 05/05/2023
Article réservé aux abonnés
Stagnation de la prime pour les généralistes, indicateurs globalement en progrès, lacunes persistantes : le bilan de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) pour 2022 demeure positif, malgré des bémols. Dix ans après sa création, ce dispositif, toujours critiqué par la profession mais salué par la Cnam, devrait être remplacé par un forfait de santé publique.

Crédit photo : Phanie

Après des années 2020 et 2021 percutées par la crise sanitaire, la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) a repris quelques couleurs en 2022 avec une majorité d'indicateurs bien positionnés et des bonus financiers stables, voire en hausse pour les quelques spécialités concernées.  

La « prime » qui rémunère la qualité des pratiques cliniques s'élève en moyenne à 5 113 euros pour les généralistes, soit une hausse modeste de 1,1 % par rapport à 2021. Ce forfait désormais stable au fil des ans a été versé à 64 824 médecins traitants pour un montant de 264,6 millions d’euros en 2022, selon le bilan de l'Assurance-maladie.

Les cardiologues libéraux percevront de leur côté une rémunération moyenne de 2 067 euros (+4,2 %). Les gastroentérologues héritent d'un bonus de 1 443 euros (+2,9 %) et les endocrinologues de 1 529 euros (+10,5 %). Au total, depuis 2018, la Cnam aura investi 1,6 milliard d'euros au titre de la Rosp du médecin traitant de l'adulte.

Investissement des médecins

Pour la caisse, cette réforme inspirée du paiement à la performance britannique continue de porter ses fruits malgré les aléas, les ajustements et les critiques récurrentes de la profession (« trop complexe », « inadaptée », « biaisée », etc.). « Une majorité d’indicateurs de la Rosp s'oriente à la hausse pour l’année 2022, traduisant une amélioration globale des objectifs de santé publique et l’investissement des médecins dans ce domaine », synthétise la Cnam. 

De fait, plusieurs items sont en progrès, notamment dans le bloc des pathologies chroniques, comme le dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients hypertendus (+1,9 point), la prévention secondaire pour les patients à risque cardiovasculaire (+0,8 point) ou le suivi des patients diabétiques (fond d'œil, fonction rénale).

Autres points positifs : côté efficience, la prescription dans le répertoire d’antihypertenseurs et autres traitements progresse respectivement de +1,1 et +5,7 points (soit 1,8 million et 38,4 millions de boîtes prescrites en plus dans le répertoire générique). La progression de la prescription de biosimilaires se poursuit pour s’établir à 38,6% de boîtes prescrites (+6 points). 

Bilan contrasté sur la prévention

En matière de prévention, le bilan reste très mitigé. Certes, les indicateurs de prévention du cancer restent bien orientés en 2022. La prévention du cancer colorectal poursuit sa progression (+1,4 point), soit 168 000 patients supplémentaires dépistés. La prévention du cancer du sein et du cancer du col, après une faible augmentation l’an dernier, progresse respectivement de +1,2 point et +0,9 point. La prévention de la iatrogénie médicamenteuse affiche également de bons scores.  

En revanche, depuis la forte hausse en 2020 liée à la pandémie, les indicateurs de prévention de la grippe poursuivent leur baisse : si la vaccination des patients de plus de 65 ans reste à un niveau supérieur à celui observé en 2019 (60,1% en 2022 versus 56,4% en 2019), la vaccination du sujet à risque enregistre une chute importante en 2022 pour s’établir à 33,6 % (-3,5 points sur l’année). Autre point préoccupant, l’indicateur général sur l’antibiothérapie (décroissant) augmente de +3,8 points… La surveillance des patients sous anti-vitamine K recule également.  

Au-delà des résultats variables, la Sécu avance que les généralistes eux-mêmes se sont appropriés la Rosp, comme l'indique un sondage BVA auprès de 200 praticiens. Cette étude transmise au « Quotidien » montre que, pour 66 % des médecins interrogés, ce dispositif améliore globalement la qualité des pratiques et présente pour 62 % d'entre eux des avantages économiques.

Inefficace

Un sentiment que ne partagent pas les représentants des médecins libéraux. MG France dénonce aujourd'hui « l'inefficacité» de la Rosp en termes de santé publique ». « Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire des actions pour diminuer les antibiotiques et qu'il ne faut pas agir sur la santé publique mais il faut travailler sur un nouveau modèle », plaide la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG-France. Dans la même veine, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, estime lui aussi que cette réforme mérite d'être revue. « Là, on touche les limites, certains indicateurs comme celui de la vaccination auraient dû être retirés. Cet acte n'est plus aux mains des médecins mais des pharmaciens ». Président d'Avenir-Spé, le Dr Patrick Gasser considère que « cette Rosp en l'état n'a aucun intérêt car elle ne concerne que quelques spécialités ». Surtout, « si on payait correctement l'acte, la qualité se ferait naturellement », affirme le gastroentérologue nantais. Un avis partagé par de nombreux confrères libéraux. 

Lors des négociations conventionnelles, la Cnam avait acté un projet de réforme en remplaçant la Rosp par un « forfait de santé publique », comportant moins d'indicateurs et davantage centré sur la prévention (lire aussi ci-contre). Une refonte qui devrait être menu des prochaines discussions. 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin