Compléments d’honoraires, secteur I, secteur II

Face aux médecins de bloc, l’UMP et le PS dans l’embarras

Publié le 12/04/2012
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Crédit photo : S TOUBON

ALORS QUE la situation des dépassements d’honoraires est l’un des (rares) thèmes santé émergeant dans la campagne présidentielle, et vient de faire encore la une du « Monde » du 11 avril, les anesthésistes, chirurgiens et obstétriciens du BLOC se sont adressés directement à Catherine Lemorton, députée socialiste de Haute-Garonne, et Valérie Boyer, députée UMP des Bouches-du-Rhône, à l’occasion d’un colloque à Paris. Objectif : mieux cerner les intentions des deux favoris de l’élection présidentielle.

Le terrain est miné. Les praticiens libéraux de bloc opératoire, expliquent leurs représentants, refusent d’être stigmatisés pour des dépassements qui ne génèrent « que » 1 milliard d’euros, au regard des 171,2 milliards de l’objectif national de dépense de l’assurance-maladie (ONDAM). Surtout, ces compléments d’honoraires sont jugés indispensables pour compenser le retard tarifaire accumulé (résultant de la sous cotation des actes opposables notamment chirurgicaux) et faire face aux charges croissantes (RCP, matériel, vigilance...).

Par dessus la convention.

« Le diable est dans le détail : encadre-t-on fortement le secteur II ? », demande le Dr Philippe Cuq, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF). « Les praticiens qui exercent en secteur I sont-ils condamnés à rester dans ce système intolérable, alors que les compléments d’honoraires sont indispensables ? » renchérit le Dr Jean Marty, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF). Les expertes santé de l’UMP et du PS bottent en touche. « Il n’y a pas de représentants de l’assurance-maladie à cette table : c’est un sujet dont il faut débattre avec tous les partenaires conventionnels », avance Valérie Boyer. « Le cadre conventionnel implique plusieurs partenaires, les médecins, l’assurance-maladie, les complémentaires et les patients. Il nous est difficile, en tant que législateurs, de passer par-dessus la convention », ajoute Catherine Lemorton.

Cette réponse mécontente un auditoire de médecins très concernés. Le Dr Cuq place les deux élues UMP et PS devant leurs contradictions. « Xavier Bertrand [ministre de la Santé] est intervenu en faisant passer par décret l’option de coordination qui ne résout rien. Ça fait 20 ans qu’on promet le secteur optionnel aux médecins en secteur I, les politiques se mêlent du conventionnel ! »

La CCAM à revoir.

Sur le fond, ni la représentante socialiste ni celle de la majorité présidentielle ne remet en cause explicitement l’existence de deux secteurs d’exercice inégaux, une discrimination qui, selon le BLOC, « piège les vertueux ». « Tant que cela convient aux partenaires, on reste dans le système », avance Valérie Boyer. Même prudence chez les assureurs complémentaires. « Il existe des dysfonctionnements : ces différences de rémunération ne sont pas logiques, mais c’est un fait, nous sommes pragmatiques », constate Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Mederic, qui envisage une discussion partenariale pour diminuer le reste à charge du patient.

Rémi Pellet, professeur de droit, suggère que des chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens en secteur I puissent pratiquer des dépassements si ces praticiens adhèrent à un réseau et si les compléments sont solvabilisés par les complémentaires. « Nous souhaitons rediscuter », affirme le Dr Jean-Martin Cohen Solal, directeur général de la Mutualité française, mécontent du passage en force du gouvernement sur l’élargissement de l’option de coordination. Mais discuter de quoi et avec qui alors que des mois de négociations sur le secteur optionnel ont conduit à une impasse ?

Poussée dans ses retranchements, Catherine Lemorton se prononce en faveur d’une remise à plat de la classification commune des actes médicaux (CCAM), avec l’objectif d’un rééquilibrage entre spécialités. « On ne peut pas raisonner en cercle fermé : certains actes ont besoin d’une baisse de tarification, les actes de radiologie sont parfois trop rémunérés » lance-t-elle.

Pour Le BLOC, le colloque a le mérite de confirmer que les dépassements sont « le palliatif à l’absence de revalorisation tarifaire (...) comme l’avait dit Xavier Bertrand à l’Assemblée Nationale lors du vote du PLFSS 2012 ». « D’ailleurs, ajoute-t-il, le gouvernement a bloqué la publication du rapport IGAS/IGF sur la tarification CCAM qui en aurait fait la démonstration ». Pour ce syndicat, il appartient désormais aux organismes complémentaires de prendre leurs responsabilités en solvabilisant la population « pour la protéger d’une chirurgie et d’une obstétrique à deux vitesses ou d’un terrible nivellement par le bas ».

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9114