Alors que le forfait structure doit être versé aux médecins libéraux aux alentours du 20 avril (au titre de l'année 2021), un changement dans les règles du jeu agite depuis quelques jours les syndicats de médecins libéraux. Ils craignent une remise en cause des versements futurs (non pas cette année mais en 2023 pour l'année 2022) pour les médecins qui n'exercerait pas encore « de façon coordonnée ».
En effet, selon l’avenant 7 à la convention médicale, à partir de 2022 l’indicateur « exercice coordonné » devient un « indicateur socle », c'est-à-dire un prérequis, pour percevoir la rémunération du forfait structure, et non plus une option. « À compter de 2022 le premier volet est revalorisé à hauteur de 400 points par l’intégration de l’indicateur "participation à une démarche de soins coordonnée", initialement intégré dans le volet 2 du forfait », indique le texte conventionnel. Et lors de la commission paritaire nationale (CPN), qui s'est tenue la semaine dernière avec les syndicats, la Cnam a confirmé ce principe requis d'exercice coordonné, au grand dam des Généralistes-CSMF, qui a aussitôt alerté ses troupes.
4 000 euros en moyenne
« Cette situation n'est pas possible, le Covid a ralenti tous les projets de coordination, tempête le Dr Luc Duquesnel, président du syndicat. D'après nos calculs, en 2023, plus de la moitié des médecins libéraux perdraient leur forfait structure ! Or cela représente 4 000 euros en moyenne pour un généraliste. » Selon le décompte du généraliste mayennais, seuls « 38 500 médecins dont 25 600 généralistes » se sont déclarés en exercice coordonné sur l'année 2021 – sur environ 120 000 médecins libéraux. C'est pourquoi il réclame un report « de deux ans » de cette mesure – délai pour l'instant refusé par le DG de la Cnam – afin que les médecins puissent avoir le temps d'entrer dans une forme d'exercice coordonné balisé ou de finaliser les démarches. « Sinon, nous partirions vers un mouvement national identique à celui de 2002 », met déjà en garde le Dr Duquesnel.
Le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, juge de son côté que « la notion de structure coordonnée ne doit pas être rendue opposable aux médecins », dans la mesure où beaucoup d'entre eux n'y ont pas accès. « Nous ferons en sorte que ce ne soit pas le cas, tempère le généraliste normand. Je pense que la Cnam n'a pas l'intention de sanctionner les médecins, il faut une définition plus large et souple de l'exercice coordonné et sur ce point, la parole est aux partenaires conventionnels. »
Définition large
De fait, la Cnam a déjà précisé, lors de la commission paritaire nationale, qu'une démarche de prise en charge coordonnée des patients sur un territoire donné pouvait se faire sous de multiples formes : équipes de soins primaires (ESP), équipes de soins spécialisés (ESS), communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), maison de santé pluripro (MSP) mais aussi réunions de concertation pluridisciplinaires « régulières protocolisées » et même autres formes d’organisations pluripro « capables d’apporter une réponse coordonnée de proximité ». Selon la définition de l'indicateur d'exercice coordonné, sont également retenus la participation à un « réseau de soins pluridisciplinaire », à un protocole Asalée mais aussi la participation aux actions de coordination au sein d'une HAD ou d'un Ehpad, et les réunions de concertation pluridisciplinaires (au moins quatre par an). Et pour 2022, rassure encore la Cnam, « cet indicateur reste apprécié sur une définition large, le temps que l’exercice coordonné se mette en place ».
Reste à savoir jusqu'où ira cette « définition large » de la coordination. Le risque étant tout de même pour de nombreux généralistes qui travaillent en coordination avec des infirmiers, pharmaciens, kinés, podologues ou orthophonistes, mais sans l'avoir jamais formalisé, de se retrouver un jour hors des clous du forfait structure, et d'en perdre le bénéfice financier.
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