La tendance baissière des BNC était certaine, restait à en avoir l'ampleur et le détail. C'est chose faite. En 2020, les revenus des praticiens libéraux ont été très fortement impactés par la crise sanitaire et ce, malgré les aides de l'État. Dévoilées ce mardi par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), qui se base sur 106 032 déclarations (tous secteurs), ces données incontestables confortent le bilan fiscal des associations de gestion agréées (AGA) de l'UNASA, révélé en septembre dernier par « Le Quotidien ».
Ainsi, le BNC moyen de l'ensemble des médecins libéraux s'est établi à 86 974 euros pour 2020, soit « une nette baisse de 5,73 % en euros courants par rapport à 2019 », écrit la Carmf. Avec l'inflation de 0,48 %, cette chute du résultat net atteint donc 6,21 % en euros constants. Au final, c'est presque 5 300 euros de moins, en moyenne. Dans le détail, l'érosion des revenus est de 5,4 % chez les médecins de secteur I (à 80 691 euros) et de 6,8 % chez leurs confrères en secteur II (à 108 891 euros).
Les ophtalmos les plus impactés
L'impact de cette année atypique reste variable selon les disciplines.
Pour les quelque 60 800 généralistes cotisants (tous secteurs), le revenu net diminue de 3,36 %, soit un BNC moyen de 73 820 euros. Par rapport à 2019, la perte sèche de revenus s'élève à plus de 2 500 euros par omnipraticien (plus marquée en secteur I).
Pour les autres spécialistes, les données de la Carmf montrent que la dégringolade est encore plus forte avec un repli moyen de 8 % par rapport à 2019 (soit un manque à gagner de plus de 9 000 euros).
Les baisses les plus marquées se retrouvent chez les anapaths (-19,6%), en cancérologie (-14,6 %), en ophtalmologie (-15,3 %), en radiologie imagerie médicale (-13,6 %) ou encore en chirurgie (-11,8 %).
Seules quelques spécialités en secteur II comme la pédiatrie (+1,7 %), la pneumologie (+ 2,7 %) et la psychiatrie (+ 3,5 %) ont été préservées et voient leur BNC progresser en euros courants, constate la Carmf, qui précise que le secteur I est « presque unanimement en baisse » (sauf dans quelques disciplines à faible effectif en libéral comme la gériatrie ou l'hématologie).
Le Dipa, une aide partielle
La chute massive de l'activité dans les cabinets libéraux, particulièrement lors du premier confinement, et l'absence de revalorisations d'honoraires expliquent ce revers de fortune pour presque toute la profession.
Dans ce contexte, les allègements de charges et l'indemnisation de la Cnam via le dispositif d'indemnisation pour la perte d'activités (Dipa) n'ont pu que limiter la casse en 2020. Selon la Cnam, l'aide moyenne versée a été de 7 500 euros par médecin libéral. Deux tiers des médecins ont encore bénéficié aux mois de juin et juillet 2021 d'une régularisation positive. Mais dans un tiers des cas, la Cnam a dû réclamer des trop-perçus, provoquant la colère des syndicats.
Double peine
Pour la Carmf, 2020 restera comme l'année de « la double peine en médecine libérale ». La profession a perdu 92 médecins (41 cotisants, 19 en cumul, 32 allocataires), rappelle l'organisme. « Fallait-il en plus que les revenus de notre profession baissent de 5,73 % par rapport à 2019 ? », écrit le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf.
Pour rappel, la caisse de retraite avait mobilisé près de un milliard d'euros en 2020 pour venir en aide aux médecins, notamment via l'attribution d'une aide de 2 000 euros aux cotisants (déduite des cotisations). À près deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, le Dr Lardenois appelle à considérer « la médecine libérale à sa juste valeur » et à « valoriser dignement son apport indispensable à la société ».
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