Les lignes vont bouger sur le front des négociations conventionnelles entre la Cnam et les médecins libéraux. Alors que les discussions bilatérales doivent reprendre la semaine prochaine, les 15 et 16 février, puis en plénière le 22, le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, affiche sa volonté de trouver un compromis dans la dernière ligne droite (la date butoir juridique étant fixée au 28 février). « On ne joue pas l'échec, on fera tout pour obtenir un accord qui soit conforme au mandat fixé », a-t-il confié jeudi soir, reconnaissant que les négociations sont « difficiles ».
Et de fait, les points les plus sensibles vont être rediscutés. « Dès la semaine prochaine, nous allons rebalayer l'ensemble des sujets, faire évoluer nos propositions sur l'engagement territorial, car nous sommes à l'écoute de ce que les syndicats de médecins ont dit, assure le patron de l'Assurance-maladie. Nous irons plus loin à la fois dans le contenu et les niveaux de la nomenclature que nous proposons car c'est le bon moment pour aller plus loin ».
+1,50 euro = 7 000 euros de bonus par généraliste
Bouger, mais jusqu'où ? La semaine dernière, les syndicats de médecins libéraux ont unanimement rejeté la proposition de la Cnam d'une augmentation « transversale » de 1,50 euro de l'ensemble des consultations (G, CS, avis d'expertise APC, CNPsy, en dehors de la téléconsultation qui resterait tarifée à 25 euros, le niveau zéro). Dans ce schéma initial, l'accès aux niveaux supérieurs de tarifs des consultations (N2, N3) serait conditionné à la participation individuelle au contrat d'engagement territorial (CET). Ce dernier donnerait également droit à un forfait annuel (pour l'instant proposé à « 3 000 euros », nous confirme Thomas Fatôme).
Si le directeur a pu mesurer le tollé médical, il fait valoir que cette hausse de 1,50 euro représenterait, à elle seule, une revalorisation de 6 % de la lettre clé des généralistes, qui se traduit par « 7 000 euros d'honoraires supplémentaires par an » pour un médecin traitant ayant une patientèle moyenne. Et de fait, cette augmentation transversale représente un coût de 500 millions d'euros pour l'Assurance-maladie en année pleine. « C'est un investissement qui n'a rien d'anecdotique », martèle le DG.
Mais Thomas Fatôme réaffirme surtout que la discussion n'est pas figée. « Nous avons une négociation qui se poursuit pour préciser à la fois le contenu de ces trois niveaux de consultations et mettre en face des tarifs, déclare-t-il. Nous faisons les choses par étapes ».
Pas question d'obliger les généralistes à ouvrir le samedi matin
De même, le DG de la Cnam s'emploie à rassurer sur le fameux contrat d'engagement territorial (CET) individuel, qui a notamment braqué MG France. Plutôt qu'un menu imposé, c'est un système « à la carte » que revendique le DG de l'Assurance-maladie dans cette logique assumée d'engagement territorial.
« Dans nos propositions, nous avons mis différents items que le médecin pourrait choisir afin de valoriser son engagement actuel ou futur mais il n'est pas question par exemple d'obliger les médecins généralistes ou les spécialistes à ouvrir le samedi matin, se défend Thomas Fatôme, qui regrette certaines "caricatures". Aujourd'hui, vous avez en moyenne 17 000 généralistes qui travaillent déjà le samedi matin. Donc, proposer cet item de 35 samedis par an, ça correspond à la pratique d'environ un tiers des médecins généralistes. C'est un choix que nous proposons ! Mais il y a aussi 25 000 généralistes qui font de la permanence des soins ambulatoires, 5 000 qui cotent des soins non programmés… Le dispositif vise justement à reconnaître ce que font déjà de nombreux médecins et à proposer aussi aux autres, généralistes et spécialistes, un système qui leur soit accessible. Nous ne voulons pas mettre les médecins dans une impasse. Le contenu et les seuils vont donc être rediscutés, le produit n'est pas "stabilisé", on veut un dispositif lisible, simple ».
Une consultation de base à 30 euros (sans conditions territoriales) est-elle encore envisageable ? Cette fois, le DG ne se prononce pas. « Il est trop tôt pour se positionner, la négociation va se poursuivre pendant un peu moins de trois semaines ». En revanche, la Cnam a l'intention de mieux communiquer sur plusieurs mesures pas assez connues à ses yeux : l'aide « pérenne » à l'emploi pour les assistants médicaux (soit 21 000 euros/an pour un ETP), la valorisation envisagée de « 30 % » du forfait patientèle médecin traitant (FPMT) pour ceux qui s'installent ou exercent en ZIP, soit une agmentation de 6 500 euros ou encore la déclinaison concrète du plan de simplification administrative annoncé par le ministère…
Attention aux stabilisateurs de six mois
Un dernier point risque de peser dans les discussions : le calendrier forcément tardif des revalorisations, en période d'inflation. Car si la loi Sécu 2023 a certes prévu que plusieurs mesures tarifaires soient exemptées de la règle des « stabilisateurs automatiques » qui retardent de six mois leur entrée en vigueur (financement des assistants médicaux, valorisation des soins non programmés dont le bonus de 15 euros par acte régulé, hausse du forfait médecin traitant – dispositions qui pourraient donc s'appliquer immédiatement), ce n'est pas le cas des autres augmentations d'honoraires (les plus significatives). Autrement dit, même dans l'hypothèse d'un accord au finish fin février, l'augmentation de la consultation n'interviendrait sans doute pas « avant le dernier trimestre 2023 », confirme la Cnam.
Interrogé enfin sur les menaces de déconventionnement agitées par certains syndicats, le DG affiche sa fermeté. « Un déconventionnement, c'est un acte qui a une forme de gravité, qui aboutit à empêcher la prise en charge des consultations par l'Assurance-maladie et qui conduit le professionnel à s'affranchir des règles d'une Sécurité sociale universelle, recadre Thomas Fatôme. Je rappelle que le professionnel qui se déconventionne perd toutes les rémunérations forfaitaires et les prises en charge des cotisations sociales. C'est un geste qui peut aussi pénaliser les confrères exerçant dans la zone territoriale du médecin concerné. Je fais confiance à l'esprit de responsabilité des médecins libéraux. Veut-on d'autres financeurs ? Relier l'accès aux soins à la capacité financière des assurés ? Ce n'est évidemment pas le choix de l'Assurance-maladie, ni celui des Français ».
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