L'histoire du Dr Jean-Claude Bourgois fait écho à celle du Dr Julien Blain, généraliste dans le Val-d'Oise, poursuivi par sa caisse pour avoir prescrit trop souvent avec la mention « non substituable (NS) » et refusé de payer une amende.
À la différence que, cette fois, le Dr Bourgois, 70 ans, est lui-même à l'origine du recours face à sa CPAM après que celle-ci l'a condamné deux fois (en 2016 puis 2018) pour des taux trop élevés de mention « NS » sur ses prescriptions : 60 % puis 77 %, alors que la moyenne nationale se situait à 8,3 % en 2016.
Il a refusé la ROSP
Après la seconde sanction de sa caisse, le généraliste décide de former un recours en justice. « Dans quelques années, plus personne ne pourra le faire, car les génériques auront remplacé les princeps », alerte le médecin auvergnat. Après une audience devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 12 décembre 2019, le Dr Bourgois attend la décision de la justice, prévue le 6 février.
À travers cette bataille, le Dr Bourgois entend prouver que les génériques sont moins efficaces que les princeps et sources d'effets secondaires. D'où la nécessité à ses yeux de recourir au non substituable... « Des exemples, j'en ai plein, à commencer par le Lévothyrox, qui a beaucoup fait parler de lui. Sur d'autres pathologies, il y a notamment ce patient venu me voir pour des douleurs à l'estomac. Il prenait un générique de l'ésoméprazole. Je lui ai donné le princeps (Inexium). En trois mois, il n'avait plus rien », confie le Dr Bourgois, qui a refusé la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) à cause de l'indicateur sur la prescription dans le répertoire générique.
Autre cas cité par le généraliste : un patient atteint de vertiges dans le cadre de la maladie de Ménière. « Il prenait jusqu'à six comprimés par jour de bétahistine, le générique prescrit par son ORL. Quand je lui ai redonné le princeps, les vertiges se sont calmés », affirme le médecin qui a adressé plusieurs cas similaires à l'Assurance-maladie et à la justice.
Obligation de justifier
Le généraliste craint que ces situations problématiques se multiplient. D'autant qu'un arrêté (en application de la loi Sécu 2019) va « aggraver », selon lui, le recours à la mention non substituable. « Désormais [depuis janvier 2020, NDLR], la mention doit être justifiée par le médecin et ne sera possible que pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, la prescription pour des enfants de moins de 6 ans et une contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire dans le générique. Mais comment est-ce possible ? », questionne le Dr Bourgois, alors que la demande de mise sur le marché des génériques est basée sur un dossier allégé.
En 2018 déjà, la Cour de cassation avait durci sa jurisprudence en indiquant que la mention « NS » devait être « dûment justifiée » par le prescripteur lui-même. Les médecins sont tenus « dans tous leurs actes et prescriptions d'observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins », indiquait la Cour, dans une affaire qui opposait déjà un médecin à sa caisse primaire.
Dans ce contexte d'encadrement accru, le médecin et son conseil envisagent de se tourner vers le Conseil constitutionnel. « D'un côté, la Sécu nous demande d'apporter des preuves si un générique est mauvais ; et, de l'autre, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dit que le générique n'a pas besoin de faire la preuve de son efficacité ! Il y a un traitement inégal entre médecins et génériqueurs », pointe le généraliste. Et de conclure : « Quand des médecins comme le Dr Blain ou moi auront disparu, il n'y aura plus personne pour défendre le non substituable. »
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